DECOi a été fondé en 1991 comme un atelier de réflexion sur l'architecture et le design, dont l'objectif est de développer non seulement une plate-forme créative de nouvelles formes (qu'elles soient sociales ou esthétiques), mais aussi de mettre en œuvre des possibilités de pratique entièrement nouvelles qui semblent s'offrir dans les interstices des changements techniques rapides qui s'opèrent aujourd'hui.

Le nom dECOi - espèce de leitmotiv énigmatique qui identifie tout en conservant l'anonymat - permet d'interroger l'effet-signature, suggérant des modalités d'intervention plus légères et plus souples qui sont en train de se mettre en place. Cette capacité à rassembler et à déployer une expertise spécialisée, sans compromis, s'est avérée non seulement vitale dans notre développement technique, mais aussi extrêmement stimulante pour notre processus de création. L'ère technique qui est en train d'émerger exige d'autres modes de pratique et différentes psychologies de créativité.

DECOi a toujours opéré dans un contexte global plutôt que local, tout en découvrant et célébrant de nouvelles formes de particularité locale. Les nouveaux modes de communication et les facilités de déplacement à un niveau international libèrent de toute évidence la profession de ses contraintes traditionnelles. Nos projets, tout comme les membres de notre équipe, sont répartis à travers le globe, ce que nous trouvons, à nouveau, stimulant. Six d'entre nous ont ainsi participé récemment à un concours, dans six pays différents, avec des conséquences fascinantes.

La portée de nos projets s'est aussi amplifiée étant donné que nous traversons des frontières disciplinaires qui s'estompent, incluant production graphique, œuvres d'art ou environnements virtuels. Nous essayons cependant d'articuler de telles transitions avec précision, en nous référant continûment aux précédents historiques afin de situer les changements actuels de paradigme en relation avec ceux du passé.

Nous nous efforçons, chaque fois que cela est possible, de réfléchir sur les derniers développements techniques qui ont des répercussions dans notre champ, tout en le faisant d'une manière non-technique. Nous posons plutôt des questions qui s'adressent aux effets culturels larges de la technologie et de quelle manière ils influencent non seulement les modes de production, mais aussi ceux de la réception. Il est en effet évident que la question du désir de technologie en architecture (qui nous semble le véritable enjeu dans une période de transition technique) n'est pas simplement celui de l'efficacité technique ni celle de l'expressivité technique.

Si l'on peut comprendre cette transition, en termes psychologiques aussi bien que formels et sociaux, l'on pourra alors commencer à 'actualiser le virtuel' et à faire émerger une architecture qui redéfinit et redirige les formes d'art dans la nouvelle ère technique qui est en train de se mettre en place.

La Maison Pallas est articulée à travers deux gestes formels : le premier est une excavation, creusant de manière langoureuse une cour d'entrée depuis le terrain en pente - un "négatif pesant" à travers lequel l'on entre; le second est la maison même, posée en aplomb juste sur la ligne à pic, comme une série de boîtes enveloppées d'un bouclier cintré et perforé - un "positif" léger, découpé adroitement dans l'air. Saisie dans les changements du paradigme technique, la forme monolithique érodée apparaît curieusement inscrutable, suspendue dans un moment de transition - l'interface solide/fluide. La maison suit le précédent tropical de filtres disposés en couches contre les poussées de chaleur et les chutes de pluie, à présent une "peau respirante", et libère l'expression formelle pour permettre des formes sculpturales et sensuelles d'enveloppement continu. Elle témoigne d'une sorte d'implosion de l'expressivité, presque l'émergence de la forme asiatique dans la matrice technique occidentale - un relâchement curieusement inexpressif et souple du rétrécissement rationnel.

Cette boutique, rue du Faubourg St Denis à Paris, a été conçue pour Missoni, la légendaire société italienne de textile, célèbre pour ses tissus hallucinogènes. L'espace, particulièrement contraignant, nous a conduit à proposer l'ouverture du sous-sol et à déniveller le sol grâce à une spirale descendant doucement, tel un étirement spatial fluide. Ce geste ample, légèrement vertigineux se répercuta de la sorte sur toutes les autres surfaces, développées comme des surfaces courbes, glissant les unes sur les autres dans un jeu sensuel. Un espace 'proprioréceptif' déstabilisant (les murs deviennent les planchers qui deviennent des plafonds...) et une richesse délicieusement organique, visant au relâchement. L'intérieur voluptueux, enveloppant, généré mathématiquement comme une sorte d'entrelacement continu et réalisable par des machines à commandes numériques, permet à la forme d'advenir, ainsi qu'aux 'volutes-techniques'. Ces ondulations richement tactiles sont, pour dECOi, comme une sorte d'équivalent architectural à la vibration des textiles, combinaisons éngimatiques et spontanées juste entrevues comme des traces dans les ouvertures...

Créée pour commémorer le 50ème anniversaire des Nations Unies à Genève, Ether/I s'inscrit dans une série de projects sculptés (Vaisseau de Verre, Ledoux) où "image/surface/objet sont ambigus dans leur statut". Ether/I fut l'occasion d'expérimenter de nouvelles techniques de génération formelle créative. Ce fut la trace négative de deux danseurs dans l'espace qui a été capturée par la vidéo - celle qui est invisible à l'œil nu, la nécessaire différence ou erreur de la performance. Ether/I incarne une phase de transition d'un état à un autre, "trace d'une présence absente", surface qui est aussi profondeur. Si la danse est une "architecture de la disparition" (H. Gilpin), Ether/I, qui est un hommage au chorégraphe William Forsythe, dépasse la référence à la décomposition du corps en graphes chez Muybridge. Ether/I se déploie comme un tracé filandreux d'aluminium, entrelaçant son maillage sur plus de vingt mètres de long. Ether/I est ainsi un seuil, une phase énergétique. Pour dECOi, la question de la représentation est portée à un point de liquéfaction.

ECO Taal a été conçu comme la pièce maîtresse d'un ensemble situé dans le cratère du Volcan Taal aux Philippines. Ce projet s'offre comme une réponse à ce qui semblait être le challenge implicite de cette étude : " développer une forme qui disparaîtrait dans le site, mais qui resterait vive à l'esprit - une sorte d'involution psychologique ". Niché sur un talus boisé et escarpé, le projet se présente comme une carapace, une sorte de gonflement de la surface, restituant au talus son profil scarifié par l'implantation des éléments du programme (salles de conférence et d'exposition). Semblable à une armure articulée, le projet est constitué de lames disjointes qui se déforment, glissent et se plient au profil du talus, offrant une présence minimale dans le site en s'y disposant au plus près, tel une peau. A l'intérieur, l'envers de la carapace est strié des rais de lumière changeante qu'offre la disjonction des lames. Ainsi, les voûtes que constituent ces lames se distordent, annonçant l'expérience surprenante d'un espace curviligne aux ambiances inattendues et labiles.