Intéressés
par les conditions mobiles d'habitation, quand la détermination
du sol, ses limites et sa nature sont de plus en plus problématiques,
nous avons entrepris plusieurs expériences en travaillant de
manière continue avec les surfaces. Seulement récemment,
nous avons réalisé que cette expérimentation développait
des connexions intéressantes avec le programme théorique
que nous avions établi pour l'agence, que l'exploration
de la surface était probablement une solution intuitive au problème
auquel nous étions confrontés : la re-configuration du
sol comme problème architectural. Selon Peter Eisenman, l'architecture
est toujours cadrée par le sol qu'elle occupe. C'est le
sol, dans son sens le plus large, qui nous permet d'identifier
les traits de l'architecture comme figure. Cela nous pose plusieurs
questions.
Que
se passe-t-il quand le sol - géographique, géologique,
culturel, économique - se déforme à travers les
mécanismes de déplacements temporels et spatiaux qui caractérisent
notre époque ? Comment pouvons-nous cadrer l'architecture
à l'intérieur des conditions de plus en plus changeantes
du sol ? Et quelle est la nature de ce sol ? L'énorme intérêt
suscité par le paysage - paysages au sens abstrait et non littéral
- qui balaye le débat architectural contemporain est l'indice
évident d'une acceptation : celle de l'impossibilité de
nous appuyer sur les relations classiques entre bâtiment et sol.
Comme l'explique Lyotard, les paysages sont des domaines dépourvus
de signification, d'origine et de destin, produits "lorsque
l'esprit se déplace d'une forme de matière sensible
à une autre, mais qui retient encore l'organisation sensorielle
caractéristique de la précédente". Le paysage
comme phénoménologie de la sensibilité dé-placée
plutôt que comme une catégorie de la construction. Réfléchissant
à cette matière, nos projets de surface reflètent
une autre approche du problème, que celle proposée par
Eisenman. Alors que l'approche d'Eisenman vise à l'"absence
de sol", le vide du sol, à des modèles produisant
des figures architecturales sans référence au sol, afin
d'échapper à la composition comme organisation de la figure
et du sol, nos projets de surface retournent le sol en figure, cultivant
et renforçant le sol. Nous commençons à considérer
les projets que nous avons développés au cours de ces
dernières années comme une série d'expérimentations
dans lesquelles la surface du sol est systématiquement soumise
à des déformations qui la projettent, au-delà de
sa codification plate, dans un champ actif. Cette ambiguïté
entre le bidimensionnel et le tridimensionnel est probablement l'un
des aspects les plus intéressants de cette recherche, qui s'offre
comme une alternative à l'opposition entre le sol et la
figure architecturale. Si l'architecture conventionnelle se réfère
à l'horizontalité du sol en tant qu'entité verticale,
la possibilité d'une surface qui enveloppe l'espace
nous intéresse.
Nos séries de projets de surface sont des tentatives d'affranchir
le sol de sa détermination traditionnelle d'ancrage, en le transformant
en surface sans fondements, en enveloppe. Au Glass Centre, à
Yokohama, à Kansai, à Pusan, nous avons exploré
la possibilité d'une géologie du creux, où
le sol n'est plus soutenu par des niveaux solides de matières
perpendiculaires aux forces de la gravité, mais devient structurellement
stable du fait d'une structure géométrique qui déplace
les forces le long la surface de ce sol. (...) L'architecture est
matière. Et c'est peut-être une voie intéressante
à suivre dans nos tentatives de traiter le sol comme une figure,
la surface comme un espace...
