A l'ère des médias et de la mondialisation de la production, l'architecture abandonne ses limites stylistiques ou canoniques pour entrer dans le champ profane des services civiques. La qualifier par sa vitesse, sa couleur ou son odeur signifie que l'on s'éloigne du domaine de l'exclusivité professionnelle, vers l'efficacité du libre marché. Investissant toute une variété d'associations, l'architecture par les couleurs est une sorte de relevé topologique des conditions du champ, plus qu'une préoccupation typologique. Les verts, par exemple, donnent une idée de la diversité de telles options : un vert ordinaire pour les sites paysagers, un super-vert pour les sites recyclés. Un vert atténué pour les zones ayant un impact naturel minime, un ultra-vert pour les états extrêmes. Un faux vert comme exercice sur l'artificialité de l'environnement, un vert interdit pour les zones d'accès limité et de consommation platonique. Un bleu pour les stratégies aquatiques, devenant violet pour actualiser l'inerte et l'héraldique. Le jaune renvoie à l'ouverture, à la modestie et à la "Sachlichkeit" dans le logement social.Maîtriser l'infrastructure, en tirer profit, comprendre et soutenir la dynamique urbaine, ses flux et ses vitesses, c'est ce que le registre orange assume. Le temps, comme quatrième dimension, essentiel pour la création contemporaine, met les couleurs en mouvement, les soumet aux changements quotidiens, saisonniers ou climatiques - distordues, fragmentées, brouillées, ridées, multipliées, pixelisées, stylisées, texturées, entrelacées. Nos projets abordent des thèmes tels que la discontinuité, la subversive légèreté et l'inexactitude programmatique ; ils examinent l'interdépendance des signes, l'effondrement apparent des idéologies, la question de l'héritage moderne et de la validité des systèmes mono-fonctionnels, insistant sur les modes d'échange, eux-mêmes interactifs, via divers plateaux et différentes profondeurs épidermales : le tissu léger d'une façade d'église à Zagreb, éclairé la nuit, les couches multicolores toujours changeantes d'une colline urbaine à Den Bosch, les pentes et les aquariums "inhabités" du projet de Yokohama, les différentes qualités de camouflages et d'indépendance du site de Glasgow ou les façades en herbier naturel, comme des jardins condensés, de la faculté de pharmacie de Zagreb, toutes ces propositions débattent de la viabilité des concepts, interactifs et éventuels d'un côté, instables et génératifs de l'autre, fonctionnant comme une accumulation de strates, pratiquant une nouvelle présence urbaine.
Les accumulations vertigineuses de la ville-réseau sont poussées jusqu'à leurs limites afin de laisser ouverte une proportion raisonnable de territoire. Au-delà du post-architectural on trouve les notions de nature, occasionnellement colonisée ou simplement exploitée comme camping pour le tourisme global.
Territoires d'hyper-densifications, zones libres de toute architecture, environnements paysagers ou résiduels ouvrent les pistes des préoccupations urbaines d'aujourd'hui : initier (Zagreb), préparer (Den Bosch), remuer (Yokohoma), condenser (Zagreb), re-mélanger (Glasgow) - tels sont les possibles mots-clés d'un nouveau vocabulaire (secret)...

Pour Yokohama, Nijric&Nijric ont imaginé un "radeau électronique", combinant compulsivement plusieurs composants : une structure de chantier naval (encombrée, techniquement chargée sur les côtés, fluide au milieu) ; l'eau comme matériau (typologie de vides humides) ; des élévations comme une accumulation d'aquariums ; des stalactites (l'eau "fuit" sous la forme de bassins suspendus entre les bandes du toit) ; un système de routes : la route civique, la route spéléologique (sous les "stalactites"), la route marine (plongeurs urbains), la route en zigzag (surfeurs), etc ; les pixels vivants (un système de grilles électriques de courant faible permet d'organiser les poissons pour produire en façade les messages désirés) ; un parc urbain (un fragment flottant d'un Coney Island hard-core nouvelle génération) ; le verre comme matériau de structure, le papier pour les séparations ; le "naturalisme" japonais et la haute technologie comme éléments de l'héritage culturel de Yokohama pour le XXIe siècle et au-delà.

Organisant les pentes (concentriques) en une fine synthèse d'habitat, d'activité et d'agriculture, le projet propose un équilibre entre matière bâtie et vides structurés. Cette typologie très traditionnelle se transforme en un certain nombre de motifs organisationnels. Les modes d'occupation des sols concentrent les aspects ruraux : culture des champs, jardins à la française, espaces publics ouverts et installations civiques (aires de jeu), extensions des avant-cours ou arrière-cours d'habitations ou de lieux de travail. Les coupes s'organisent selon un zonage fonctionnel, les zones de travail sur la rue et les zones d'habitation orientées vers les espaces intérieurs, plus calmes. Ce qui a, autrefois, été structuré sur un complexe travail en-bas/séjour en-haut, est maintenant approprié à la nouvelle configuration centrifuge et inclinée : on habite en bas et on travaille en haut. La circulation entre les pentes est conçue comme un réseau de contournements, maintenant la "propulsivité" en période de festivités saisonnières traditionnelles, celles-ci ayant lieu le long de la route principale.

Conçu comme un paysage compressé - extension logique, compacte et intériorisée du jardin botanique voisin - le bâtiment se déploie dans le parc et marque un passage urbain.Il est traversé par des "routes" : la route quotidienne, la plus courte et la plus pratique pour les professeurs et les étudiants, la route "bellevue" pour les visiteurs, La route publique conçue comme un sentier ouvert à travers le bâtiment, la route homéopathique comme un itinéraire parcourant les jardins botaniques suspendus. Zone intermédiaire, la façade offre une transition progressive vers le paysage ; elle intègre des gadgets homéopathiques et anthroposophiques, ainsi que des classes supplémentaires, des rampes, des escaliers, etc. Le choix des plantes est lié à l'orientation de la serre : feuillages persistants au nord, végétation continentale au sud, espèces méditerranéennes à l'ouest. Objet sponsorisé, la zone botanique et la serre sont conçues comme une série d'éventuelles donations de l'industrie pharmaceutique et comme une représentation de l'identité spécifique de la faculté de bio-pharmacie.

Le concept urbain consiste à inverser le rapport figure/fond des hypermarchés américains ou des centres périphériques, glorifiant la circulation en découpant un motif régulier dans la forme irrégulière de la parcelle. Il est renforcé par la substance végétale du toit, conçu comme un nouveau sol surélevé, accessible au public. Toutes les façades tournées vers l'intérieur sont entièrement vitrés, les murs périphériques sont muets, néanmoins conviviaux. Quatre panneaux d'affichage ancrent dans le site les immenses versants du bâtiment tout en s'adressant aux conducteurs. La "classification" par les couleurs est une tentative de manipuler l'architecture selon des critères ordinaires, voire banals : taille, odeur ou couleur. Les élévations vitrées, elles-mêmes, exploitent les propriétés de la laine isolante brute. Nijric&Nijric utilisent sa teinte jaune comme participant de l'identité de Baumaxx Corporate, en y accrochant simplement les logos rouges légèrement atténués par des plaques-Lexan ondulées : La couleur comme stratégie de marketing.

Le titre du projet représente à la fois une cohérence possible parmi les complexités interférentes du site, une réaction au contexte social grave, la psyche suburbaine et les besoins de protection. Avec cette archipel de petits groupements insulaires de maisons, Njiric&Njiric proposent une nouvelle stratégie pour habiter le paysage : un campus résidentiel dans un décor de parc. Les îles permettent des densités d'occupation variées, présentant autant d'alternatives flexibles et congestionées à la solution de densité faible proposée dans le cahier des charges. Tessenow 2000 est une image pour la cité-jardin de demain : des motifs protecteurs combinés au paysage. Elle est conçue comme une catégorie génératrice, comme une politique environnementale pour le XXIe siècle. Les habitations, quant à elles, sont conçues comme des structures basiques à l'état "brut", pouvant ensuite être élaborées au terme de discussions avec les services de l'urbanisme et/ou les futurs résidents, afin d'aboutir à une nouvelle topographie sociale circonstantielle et non linéaire.

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