L'agence
Pauhof existe depuis 1986; elle est fondée sur la rencontre et
la collaboration de deux architectes autrichiens : Michael Hofstätter
et Wolfgang Pauzenberger, qui se partagent eux-mêmes entre deux
villes, respectivement Vienne et Linz. La conception des projets voit
s'alterner ainsi des périodes d'explorations individuelles indépendantes,
où chaque architecte travaille dans un relatif isolement, et
des périodes limitées de synthèse où le
projet est systématiquement rationalisé.
Bien
que les architectes de Pauhof aient jusqu'alors peu construit ("Metal
Workshop", 1990, "House-P", 1996), leur production
marque par sa radicalité le débat architectural : publications
multiformes, expositions/installations que l'on peut voir indifféremment
comme des expérimentations proches de l'art contemporain et comme
de véritables pièces d'architecture, participations remarquées
à de nombreux grands concours internationaux.
La
radicalité de Pauhof, pour être comprise, doit être
ramenée et opposée au contexte particulier de l'architecture
post-moderne autrichienne des années 70 et 80 qui fut la scène
d'une réaction maniérée et historicisante aux thèmes
universalistes des "mouvements modernes". C'est bien cette
question-là qui hante Pauhof : comment aller au-delà de
cette modernité mais sans l'abolir, sans la renier? C'est une
démarche d'intensification qu'ils ont choisi, quant à
eux, d'explorer.
On
retrouve dans l'architecture de Pauhof bien des thèmes directement
hérités des avant-gardes du siècle : langage formel
épuré de tout symbolisme, travail plastique sur une volumétrie
élémentaire, rapport "impositif" au contexte,
tendance à la grande échelle urbaine… Mais tous ces
thèmes sont, chez Pauhof, réinvestis, exacerbés,
poussés aux limites. Les proportions des éléments
sont délibérément exagérées, comme
celles du volume "aplati" qui couronne le pavillon autrichien
Expo'92. Les surfaces s'offrent au regard dans leur brutale nudité
: béton brut aux "Metal Workshop", plaques d'aluminium
à la "House-P", plaques d'acier noir dans leurs
scénographies d'exposition. Le plus souvent lisses, elles se
retournent continûment sur les faces des volumes, accentuant leur
compacité. Les systèmes structurels sont eux-aussi poussés
à l'extrême pour dramatiser les effets volumétriques
: porte-à-faux maximaux à la Tuchfabrik, rarefaction des
appuis verticaux à la house-P.
L'architecture
de Pauhof joue également sur une série d'inversions radicales
de couples de contraires. Elle décline notamment une dialectique
paradoxale entre le volume, dans toute son extériorité
contenante, et l'espace, dans toute son interiorité ouverte.
On retrouve dans tous leurs projets la volonté de construire
ce que Pauhof appelle le "volume implicite": dans le pavillon
autrichien Expo'92, les trois éléments majeurs, le hall,
les circulations, les salles d'exposition, définissent les limites
d'un grand espace vide, le "volume implicite". Celui-ci est
comme la loi invisible qui sous-tend chaque projet. La forme, l'agencement,
l'échelle de chacune des parties s'y rapportent et en dérivent.
Aucun élément ne vaut pour lui-même. La structure,
par exemple, ne se définit jamais de manière autogène,
suivant un pur rationalisme structurel mais dans le rôle qu'elle
joue dans la définition de ce tout, immatériel et implicite.
