Ce
qui sous-tend un projet n'est pas une idée architectonique mais
une pensée a-formelle. Elle fonctionne comme une stratégie
qui répond immédiatement aux problèmes concrets
qui surgissent lors de son développement. Elle ne nous donne
pas l'image permettant de l'anticiper mais des règles que nous
pouvons appliquer pour donner unitairement forme et articulation à
l'ensemble. C'est ainsi qu'on doit comprendre aussi l'usage des techniques
et des idées en opposition à l'éducation architectonique.
Le monde n'est pas plan, avec des frontières et un bord
où les navigateurs inconscients, osant le traverser, s'abiment.
Il est circulaire, limité mais continu et infini. Quelques-uns
déjà en ont fait le tour.
A distiller une oeuvre d'architecture, ce sont les idées
qu'on recueille : Les réflexions et les pensées sur l'architecture.
A la fin des temps les edifices seront en ruine. Leurs pensées
cependant se perpetueront. Une pensée d'architecture ne trouve
pas de traduction formelle, parce qu'elle s'énonce comme une
reflexion. Un projet, d'architecture, de revue d'architecture, fluctue
dans une constellation d'idées. Certaines nous habitent sous
forme d'obsessions, de pensées récurrentes. Nous estimons
que la théorie de l'architecture s'énonce aujourd'hui
par le biais d'une pensée tangente ; c'est ce qui se produit
quand se disperse l'idée initiale et qu'on réfléchit
de manière "rasante" sur les objets et sur les concepts.
Surgissent mille images disparates et centrifuges qui finissent par
se centrer en quelque point un peu plus éloigné de l'instant
initial. Aujourd'hui, nous ne devons pas sonder la profondeur des choses,
vers leur intérieur, comme pensait la philosophie. Nous devons
sonder l'étendue, réagissant aux captures instantanées,
ébauchant les concepts en un collier...
Seuls les objets sans échelle m'intéressent...Pouquoi?
Parce qu'il m'interesse que l'architecture possède les propriétés
qu'ont les corps sans echelle. La première c'est que leur dimension
n'est pas exprimable par un nombre entier. Leur dimensionalité
se situe à la frontiére entre lignes et plans, plans et
volumes. Ils sont plus efficaces pour occuper un espace que leurs homologues
réels. Ils sont plus denses que des lignes mais sans parvenir
à s'amasser en un plan, comme l'écheveau d'une pelotte
spongieuse ; ou comme des corps conçus pour de nombreux plans
aux superficies infinis dont le volume total est nul, comme des chateaux
de cartes compacts. On doit employer les nombres fractionnaires pour
representer leur dimension.
L'autre propriété est que leur niveau d'irrégularité,
c'est à dire leur physionomie demeure constante à diverses
echelles. L'objet a la même forme et la même structure que
le détail abstrait d'une partie de lui-même. Pour autant
un détail minime peut générer et configurer l'ensemble.
La différence avec d'autres groupements génératifs
de la nature vivante est que, dans les objets fractals, il n'y a pas
de différence entre le détail et le tout ; ils ont la
même structure. Comme il n'existe pas d'echelle, nous ne pouvons
savoir, après une série d'agrandissements, quel était
le début et la fin de la série. Le détail et l'ensemble
sont même...
...Je travaille sur ce que j'appelle un concept amplifié
de la dicipline : Je veux comprendre le champ de l'architecture comme
un vaste territoire où nous avons récemment découvert
et adjoint de nouveaux continents, ou de vieux territoires avec des
noms nouveaux, abolissant les frontières avec les autres diciplines...
...L'architecture moderne se caractérise par son
indétermination, ou plutôt l'inconstance de sa détermination,
puisque même la phase initiale doit subir une indéfinition.
Une architecture fondée principalement sur les processus formels
comme moteurs de la structure architectonique ne pourra pas resister
à l'alteration de l'un d'eux sans perdre son identité.
Un architecture sans forme permet de reformer, restaurer, changer d'usage,
d'image, sans que, evidemment, la forme ne s'altère, tout en
maintenant la permanence de l'objet. Elle peut absorber spontanemment
additions, soustractions, modifications techniques sans que soit perturbé
le sens de son ordre...
