Frédéric Borel  

 

Diplômé de l'Ecole Spéciale d'Architecture en 1982 et lauréat du concours "Programme Architecture Nouvelle" l'année suivante, Frédéric Borel ouvre son agence à Paris en 1984. Il réalise ensuite, rue Ramponeau et boulevard de Belleville, deux immeubles de logements qui, en exploitant ces réserves d'espace que constituent les cours fermées traditionnelles, restent emblématiques d'un nouvel hédonisme architectural. Plus radicaux, les immeubles de la rue Oberkampf (1993) et de la rue Pelleport (1998), composant de véritables récits de formes révélant le genius loci de ces quartiers populaires, semblent pousser cette démarche à son paroxysme. À ces éclatements de volumes colorés répondent, étrangement, les blocs plus compacts, plus intériorisés, des équipements publics qui s'affirment face à la nature ou à la ville comme des masses calmes et sereines. Ainsi, le Centre des Impôts de Brive (1999) paraît flotter, comme un paquebot, loin de l'agitation urbaine. L'Université d'Agen (1998) et l'école de la rue Moskowa (en cours) se posent comme des monolithes fracturés en suspension, tandis que le lycée de Lognes (en cours) dessine, face à la silhouette fragile et chaotique de cette ville nouvelle, un horizon fédérateur. S'appuyant sur le Paris vécu et décrit par les poètes surréalistes comme un foisonnement d'espaces secrets, un collage d'éléments hétérogènes, capables de générer à tout moment des événements improbables, des rencontres inattendues, ces constructions témoignent d'une approche singulière de la question urbaine. Là où la plupart des édifices, respectueux des continuités, s'alignent sagement, ces formes fragmentées ou unitaires, toujours en rupture, s'attachent à produire de nouveaux lieux communautaires ou de nouveaux pôles attractifs autour desquels la vie sociale peut se condenser. Ce principe d'architecture active reste à l'œuvre dans les récents projets d'aménagement de quartier. À Vienne, sur le site de la Brasserie Ottakring (1998), et à Athènes, sur celui des Longs Murs (1997), des espaces offerts aux atmosphères spécifiques se croisent, se superposent, sous les masses bienveillantes de blocs en lévitation, pour constituer une ville somptueuse dédiée à la promenade et à l'errance, au luxe et à la volupté.

Richard Scoffier

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Immeuble, 113, rue Oberkampf, Paris 20ème, 1990

 

Immeuble de logements PLI
131, rue Pelleport, Paris 20ème 1998
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Juché à mi-pente de la rue Pelleport, à la croisée d'un faisceau de rues adjacentes, ce petit immeuble de logements surprend d'emblée par son foisonnement formel et chromatique. Cette abondance qui signe là une générosité que l'approche du bâtiment ne dément pas, répond à l'attention aiguë que Frédéric Borel a porté tant à l'organisation des logements qu'au contexte dans lequel s'installe ce projet, celui, hétérogène, d'un quartier à la topographie mouvementée et aux constructions disparates. Il assemble volumes et fragments de plans colorés en une concrétion dont l'enveloppe singulière devient surface d'échanges avec les éléments qui jouxtent l'immeuble : une barre de 17 étages, des bâtiments dispersés du vieux Ménilmontant et ceux de la rue Pelleport qui composent un corridor homogène. Frédéric Borel recompose ainsi à contrario une unité, une masse, tout à la fois indépendante et élément de liaison : une réalisation conçue délibérément comme un moment d'intégration et d'ouverture, comme un événement urbain.

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Université des sciences d'Agen
1ère phase : 1998 ; 2ème phase en cours

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C'est une construction simple, un monolithe allongé, posé en équilibre sur une forêt de poteaux en "V". Mais derrière cette apparente simplicité persiste une certaine complexité. L'enveloppe de ce bloc est recouverte de fragments colorés qui pondèrent, en atténuant l'impact des contours, la puissance de la masse en suspension. Ce dessin, peint dans les couleurs bleutées du lointain, permet à certaines heures du jour, l'absorption complète du bâtiment par son site ; à d'autres, au contraire, créant d'improbables profondeurs, il se donne comme un événement faisant imploser en une multiplicité d'éclats, la masse monolithique. Ainsi, le geste de la fondation reste comme suspendu, au profit d'une atmosphère en osmose avec le site. Les différents éléments du programme s'enchaînent dans la fluidité comme une succession d'ambiances différenciées. L'espace vert et la bibliothèque semblant coulisser à l'arrière-plan, viennent former un monde intemporel rempli de volumes en lévitation, un jardin des sciences conçu comme un "jardin des délices"...

 

Palais de Justice de Laval
Concours, 1996

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Un enclos de granit protecteur enveloppe sur trois côtés une clairière dont la pente prolonge au plus profond du projet les berges de la Mayenne toute proche. Sous ce jardin en pente douce, plié et échancré par un cylindre de verre liant parvis et salle des pas perdus, les différents espaces s'organisent dynamiquement en fonction d'un axe de symétrie qui traverse la composition de manière à établir, en accord avec la gravité du lieu, un ensemble équilibré et serein, ni péremptoire, ni lénifiant. De ce jardin suspendu entre ciel et terre émergent deux blocs qui contiennent les salles d'audience. Frédéric Borel propose ainsi un dispositif qui condense l'histoire des sites judiciaires, de l'arbre mythique de Saint Louis aux bureaux vitrés contemporains. Ni temple de la justice inspirant crainte et défiance, ni cité administrative banalisant le rôle fondateur de l'institution judiciaire dans la vie de la cité, le projet de Frédéric Borel cherche à s'inscrire dans le site et à se constituer comme un objet digne et apaisant, stable et ouvert, nimbé d'une certaine étrangeté tout en restant familier.

 

Crèche Valmy
Rue des Récollets, Paris 10ème
(en cours de réalisation)

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Au centre d'un îlot empli d'une végétation dense, la Crèche des Récollets s'affirme ostensiblement comme une accumulation de formes pures. Ce projet contraste, par son caractère à peine écrit et ses volumes simples, avec les constructions urbaines élégantes et raffinées, fragmentées et articulées, produites d'habitude par Frédéric Borel. Comme si, face à la nature, il s'agissait d'expérimenter un registre formel plus direct et plus conceptuel. Appareil de blocs opaques pressés paroxystiquement les uns contre les autres, comme en lévitation sur des cristaux de verre : avec peu de moyens, le projet s'affirme dans l'expression de deux couples de notions contradictoires, l'attraction et l'expansion, la lourdeur et l'apesanteur. Dans le mouvement même où les formes pleines de l'étage se pressent autour d'un centre invisible, d'une extrême densité, l'intériorité du rez-de-chaussée s'épanche irrémissiblement vers l'extérieur, par-delà ses cloisons vitrées. Sans affectation, ni maniérisme, ce petit projet, inexorablement animé par l'oxymoron, cette figure de rhétorique qui structure de nombreux travaux de l'architecte, concilie les contraires dans une ambiguïté poétique aussi profonde qu'insondable.

 

 Frédéric Borel (*1959)

1982 – Diplômé de l'Ecole Spéciale d'Architecture, Paris
1983 – Lauréat du concours "Programme d'Architecture Nouvelle - PAN XIII"
1985 – Création de l'Agence à Paris

 

Principaux Projets et Réalisations

2000 – "Ecole Maternelle de la rue Moskowa" Paris (en cours) ; "Crèche Valmy" rue des Recollets, Paris (en cours)
1999 – "Théâtre à Ancenis" (concours)
1998 – "Centre des Impôts" Brive (réalisé) ; "131, rue Pelleport" Immeuble de logements, Paris (réalisé); "Université d'Agen" (réalisé) ; "Quartier Ottakring" Vienne, aménagement urbain (lauréat des 2 phases concours)
1997 – "Longs Murs" Athènes, aménagement urbain (projet)
1996 – "Palais de Justice de Laval" (concours)
1990 – "113, rue Oberkampf" Bureau de Poste et logements, Paris (réalisé)
1986 – "100, Bd. de Belleville" Immeuble de logements, Paris (réalisé)

 

Principales Publications de Frédéric Borel

1997 – "Parfaire la ville, même si parfois on la bouleverse" Ville-Architecture n°3, Paris
1996 – "Densité, réseaux, événements" Mini PA n°15, Pavillon de l'Arsenal, Paris ; "Le singulier, le volume, l'identité et l'altérité" Bloc : Le Monolithe Fracturé, catalogue d'exposition VIème Mostra Internationale d'Architecture de Venise, éditions AFAA/HYX, Orléans
1992 – "Le dessin et l'architecte : Excursion dans les collections de l'Académie d'Architecture" éditions du Demi-Cercle/Pavillon de l'Arsenal
1990 – "Architecture active" Ouvertures, catalogue d'exposition, Arc-en-Rêve, Bordeaux
1984 – "Romainville : Le déplacement comme élément constitutif de l'espace" Pan XIII : Construire la banlieue, Ministère de l'Urbanisme, Paris

Bibliographie sélective

2000/1989 – Nombreuses revues françaises et internationales (L'œil, GA, Architectural Review, Bauwelt, AMC, l'Architecture d'Aujourd'hui, DBZ, Costruire, Architektur Aktuell (Vienne), Architectural Design, etc.)
1999 – GA Documents n°59
1998 – "Re-Création : 21 architectures en France à l'aube du XXIème siècle" (1998/2000 : exposition itinérante en Amérique Latine) AFAA / Ministère de la Culture, France/Argentine ; "Premises : Invested spaces in visual arts, architecture & design from France : 1958-1998" Guggenheim Museum, New York ; "Paris côté cours : La ville derrière la ville" Pavillon de l'Arsenal, éditions Picard, Paris
1997 – "Paris des faubourgs : Formation transformation" Pavillon de l'Arsenal, éditions Picard, Paris ; "Made in France 1947-1997" Petit journal de l'accrochage du musée, Centre Georges Pompidou, Paris
1995 – "Par exemple" catalogue de l'exposition (itinérante) Ifa, éditions Interéseaux, France/Allemagne
1994 – "Three French Architects" (O. Decq et B. Cornette, M. Kagan, F. Borel) catalogue de l'exposition au RIBA, Londres, éditions A3 - Architecture Art Association, Paris ; "Un lieu, un architecte : 113, rue Oberkampf" éditions du Demi-Cercle, Paris ; GA Houses n°42, Japon
1990 – "Le Jour se lève" 100, Bd de Belleville, Olivier Boissière, éditions du Demi-Cercle, Paris
1986 – "Albums de la jeune architecture : Frédéric Borel" Ministère de l'Urbanisme, Paris