Jones, Partners : Architecture

Wes Jones (*1958)

 

A la fin du millénaire, célébré également comme la fin du modernisme, la forme semble à nouveau revenir au goût du jour–masquée, encore une fois, derrière la virtuosité, l'expertise. (…) L'expertise, indéniablement technologique, affichée dans toute forme "nouvelle", est dirigée pour la majeure partie vers une production aveugle de différence, laissant inexploitée sa pertinence architecturale. La référence technologique dans l'architecture n'est certes pas nouvelle. Bien que les avions et les paquebots ne fassent plus office de modèles, la même envie d'une expertise exotique, qui auparavant avait cherché à ouvrir les "yeux qui ne voient pas", conduit MAYA à l'architecture aujourd'hui. Dans les deux cas, la technologie est abordée comme thème, soumise aux pièges d'un expressionnisme exagéré, d'un sentiment de condescendance ou d'un exhibitionnisme formel. Le processus médiatisé de l'attente transforme la technologie en symbole ou en métaphore. Si le thème est critique, l'architecture devient acérée et pointue, bavarde et "difficile"; s'il est affirmatif elle devient chromée et bariolée ou, plus récemment, virtuelle et amorphe. Dans les deux cas, la technologie fait l'objet d'une excitante "exposition" : révélée comme un secret inavouable ou libérée comme si elle retenait une volupté jusque-là cachée. Pourtant la réponse à cette question ne devrait pas nécessairement se limiter à une célébration ou à une critique acide ; dès que l'on conçoit l'architecture, elle-même, comme un objet technologique, une autre possibilité s'annonce : on peut se demander quelle forme vernaculaire elle inspire/inspirerait ? La réponse n'est pas aussi claire qu'une apologie ou une critique car il n'est pas facile ni souhaitable pour l'architecture d'aborder un thème autrement qu'avec véhémence. Le prosaïsme ou la simplicité ne sont pas des attitudes que l'on associe aujourd'hui à l'architecture comme œuvre signée. La différence entre le fait d'utiliser la technologie comme symbole et d'être la technologie soi-même, à travers une expression issue de la technologie plutôt qu'une expression qui se contente d'emprunter une forme technologique pour illustrer tout autre intérêt non technologique, constitue la distinction entre l'oeuvre de Jones, Partners : Architecture et celle d'autres créateurs pouvant être perçus comme axés sur la technologie. Puisque la technologie n'admet d'autre auteur que la nature, l'architecte-auteur doit faire des ajustements non - ou anti - technologiques afin d'affirmer sa signature. En opérant de la sorte, l'auteur affirme son contrôle et oblige la technologie à servir ses intérêts plutôt que ceux du programme (l'idée de programme est en elle-même un "don" de la technologie). Ces questions sont abordées de façon explicite par Jones, Partners : Architecture dans les quatre projets d'habitation présentés ici. La maison constitue le degré zéro du problème architectural. Tous les projets architecturaux sont, à la base, des maisons-pour-quelque chose. De la même manière, ils sont des machines-pour-quelque chose. Le mot de Le Corbusier n'était pas machine-à-vivre mais celui plus actif de machine-à-habiter. C'est dans la différence entre ces deux mots que l'architecture de Jones trouve le sens de son implication dans ces projets de maisons et qu'elle découvre son héritage technologique.

Wes Jones

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Brill.2 Residence
San Clemente, USA, 1998

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Ce projet cherche un compromis entre assimilation au goût local de la communauté confinée de San Clémente, réclamant, comme finition, un mince placage en stuc, et subordination à la réalité naturelle du site, privilégiant des configurations brutes en acier, verre et béton. L'ironie du "méditerranéisme"mensonger qui prédomine dans cette communauté engrillagée est reflétée par le caractère artificiel de son utilisation et de son aménagement du sol. La stratégie urbaine développée dans ce projet est ainsi intégralement inspirée des aménagements de terrains de golf des plaines de Floride ; elle adhère comme un placage au paysage accidenté. La ligne de crête traversant le site en diagonale assume la dichotomie ; elle sépare d'une part les zones domestiquées (accessibles) et les zones sauvages (non accessibles) et d'autre part les plateaux artificiels et la pente "naturelle". Comme les clients voulaient avoir la jouissance complète de la totalité de leur parcelle, le bâtiment s'étend depuis la partie accessible conventionnelle jusqu'à la partie arrière où il flotte au-dessus de la nature sauvage.

 

Arias Tsang Residence
Brisbane, USA, 2000

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Ce projet est situé à Brisbane (Californie), un petit quartier communautaire à flanc de coteau à San Francisco. Le terrain est situé en frange supérieure d'un lotissement en pente, à la lisière d'une dense forêt de chênes. La vue aval donne sur les arrière-cours des voisins. La vue amont sur les arbres est plus agréable. Ceci explique que l'avant de la maison soit plus fermé que l'arrière. Le client voulait minimiser l'impact de la maison sur le site. Celle-ci s'inspire du modèle du "loft", avec des ouvertures aux deux extrémités ouvrant des vues sur la bordure de la forêt de chênes. Dans cette "coquille" de loft est introduit un "bernard-l'ermite" programmatique. Des fenêtres verticales, du côté aval, évitent en grande partie les vis-à-vis des voisins et des fenêtres horizontales à l'arrière "échantillonnent" les formes complexes de la forêt de chênes. La forme de la maison est un tube simple, plié et tordu pour épouser le plus intimement possible la topographie du site ; celle-ci influe, en retour, sur l'espace intérieur de la maison. Le plancher, ainsi vallonné, est couvert d'un bois dur et précieux et fait office de mobilier.

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Brill.1 Residence
silverlake, USA, 1998-99

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Cette réhabilitation d'un ancien studio d'aïkido à Silverlake, quartier de plus en plus prisé de Los Angeles, questionne les implications vernaculaires de la technologie. La structure d'origine a été rabaissée jusqu'aux murs de soutènement et le plancher séparant l'ancienne salle d'entaînement du garage a été supprimé, créant ainsi un espace habitable à triple niveau dans la moitié du volume ; les espaces plus privatifs se superposent dans l'autre moitié, au-dessus d'un nouveau garage. Un nouveau système structurel autonome, en acier, porte ces pièces plus privées. Des étagères, destinées à accueillir la vaste collection de batteries et de percussions du propriétaire, occupent la partie supérieure du volume du séjour ; on y accède par un pont roulant actionné par un mécanisme de bicyclette. La rambarde de ce pont roulant peut être déployée horizontalement, le transformant ainsi en scène de spectacle. L'intimité peut être reconstruite, dans ce vaste loft, grâce à une multitude d'écrans opaques et translucides manipulables par un système de rails coulissants ; ce même système peut aussi être utilisé pour régler l'acoustique de la pièce pour des concerts de percussions.

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Stieglitz Residence
Hollywood, USA, 1998

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Ce projet a débuté par le simple remplacement d'une toiture et à partir de là a évolué jusqu'à induire un style de vie à part entière. La toiture devient pratiquement l'élément principal du projet, devenant un véritable TOIT. Sous sa protection, les choses peuvent advenir. La maison bénéficie d'une vue magnifique vers l'ouest. Malheureusement, c'est également la moins bonne exposition au soleil. Le site est planté d'un assortiment éclectique d'essences indigènes et exotiques qui atténue quelque peu la proximité du voisinage, au nord et au sud, et donne un sentiment d'intimité et de solitude. Chercher à créer une maison du type hollywoodien soulève les questions suivantes : en fait, à quoi ressemble Hollywood ? Quel est l'équivalent spatial de l'être hollywoodien ? Et cette fameuse lumière ? Quelle est cette page blanche aux reflets sombres ? Les bâtiments de la Californie du sud, reflets d'une possibilité d'exubérance, sont en fait dégradés par la réalité du désert, plus dure qu'il n'y paraît. La "façade", si on peut l'appeler ainsi, de la maison est une page blanche comme tout le reste dans la rue, prolongeant le paradoxe hollywoodien.

 

Wes Jones (1958)

1983 – Master of Architecture, Graduate School of Design, Harvard University
1980 – University of California, Berkeley
1978 – United States Military Academy, West Point
1993 – Création de Jones, Partners : Architecture à San Francisco
1991 – Holt Hinshaw Jones, San Francisco ; 1987 – Holt Hinshaw Pfau Jones
1983 – Eisenman / Robertson, New York
1980 – ELS Design Group, Berkeley

 

Enseignement

Professeur invité à Harvard, Princeton, IIT, Columbia, UCLA et Ohio State University

 

Principaux projets et réalisations

2000 – "Arias Tsang Residence" Brisbane, Californie (projet) ; "House of the future" (Time Magazine)
1999 – "Brill .1 Residence" Silverlake (réalisé) ; "Redondo Duplex" Redondo Beach
1998 – "Stieglitz Residence" Hollywood (projet) ; "Brill .2 Residence" San Clemente (projet) ; "Urban Epicuria" West Hollywood ; "San Jose Repertory Theater" Californie
1997 – "Andersen Consulting" Kuala Lumpur ; "I8*Noodles Restaurant Prototype" ; "Instrumental Form" (boss architecture)
1996 – "General Instruments Corporate Campus" Philadelphie ; "Zimmer Stair" University of Cincinnati ; "Confluent Point Bridge and Ranger Station, San José, Californie
1995 – "American Medicals Informatics Center" Roumanie
1994 – "Edenscape Area lmprovements" Campus Services Building, University of Cincinnati ; "Hesselink Houses" Hope Valley, Californie
1993 – "Edenscape Masterplan" University of Cincinnati/UCLA Chiller Plant
1989 – "Astronauts Memorial" Kennedy Space Center, Floride

Principales publications de Wes Jones

1999 – "Mies-Takes" Any n°24
1997 – "Instrumental Form" Princeton Architectural Press
1995 – "The Mech in Tecture" Any n°10

 

Bibliographie sélective

2000 – "How will you live" Time Magazine (28 fév.)
1999 – "The Times Capsule" The New York Times Magazine (5 déc.) ; "Single Family Housing : The Private Domain" Jaime Salazar, éditions Birkhaüser/ACTAR ; "The Culture of Technology" Elizabeth Smith, éditions Thames and Hudson ; "Jones, Partners : Architecture" GA Houses 59, Japon
1998 – "Jones, Partners : Architecture" GA Houses 55, Japon ; "Confluence Point Ranger Station" Architecture ; "Boss Architecture" Nicolai Ourrossof, Los Angeles Times (Fév.)
1997 – "New Forms" Philip Jodidio, Benedikt Taschen verlag ; "Architectural Drawing : A Visual Compendium of Types and Methods" Rendow Yee, éditions John Wiley & Sons ; "Jones, Partners : Architecture" GA Houses 52, Japon ; "The Whitney Guide to 20th Century American Architecture" Sydney LeBlanc, éditions The Whitney Design Library
1996 – "Contemporary California Architects" Philip Jodidio, éditions Benedikt Taschen verlag ; "581 Architects in the World" Gallery MA ; "Central Cogeneration Plant" A+U (Fév.) ; Architecture (mars) ; "Sierra Cabins Meadow House" Architettura Intersezioni n° 3 ; "Notes, InRe:mediation" Aris n° 2
1995 – Progressive Architecture (janv.) ; "Jones, Partners : Architecture" GA Houses 45, Japon ;"Wohncontainer on the Rocks" Hauser (mars) ; "Verpackungskünstler" DBZ (juil.) ; "Conventional Bondage" GSD Studio Works 95-96