Michael Sorkin Studio

| Michael Sorkin (*1948) | Andrei Vovk (*1958)

 

 

Hallowe'en me rappela Michael Sorkin.
Deux gamins ont croisé notre porte au gré de leur tournée de blagues et de cadeaux, se sont arrêté chez nous et ont inspecté la pièce d'un coup d'œil. L'un d'eux me demande pourquoi j'ai encore un arbre de Noël. Avant même que je puisse lui répondre, l'autre me rétorque : "ce n'est pas un arbre de Noël, c'est un arbre d'Hallowe'en. Utilise donc ton imagination." Hallowe'en est une période remplie de l'attente simultanée de l'épouvante et de la fantaisie ; une période durant laquelle la conscience que l'on a de la nature ironique des événements, des lieux, des gens et des choses inspire à l'esprit des grands sursauts d'imagination. Les gens "ordinaires" se réinventent eux-mêmes à travers des représentations extraordinaires de choses très recherchées. Tout et n'importe quoi est soumis à une réinterprétation, une transformation et une reconfiguration. Une explosion de liberté de vingt-quatre heures pour inventer sans la peur du reproche. De façon magique, la part la plus sombre et la plus lumineuse de la pensée et de la volonté humaine se trouvent rassemblées dans un état d'équilibre universellement agréable. L'horreur équivaut à la joie, la mort est vivante, les citrouilles sourient et les squelettes dansent. La vision du monde de Michael Sorkin pourrait très bien être décrite comme une investigation Halloweenienne du réel. Il voit les choses exactement comme elles sont. Il construit et décrit les choses avec une honnêteté sans complaisance. Il s'intéresse avec beaucoup d'acuité et de sérieux au futur de notre environnement global, et de l'organisation sociale et politique. Ses projets, malgré tout, reflètent une ironie et un subtil sens de l'humour. Ses solutions exigent d'agir d'une manière à la fois terriblement difficile et saisissante de simplicité. Il opère à partir d'un corpus plus proche de l'univers loufoque de Popular Mechanistic que de celui des Sept Lampes de l'Architecture de Ruskin. Des architectes de moindre compétence, de moindre talent ou de moindre savoir, avec des tendances similaires, auraient sans doute glissé dans les sphères les moins intéressantes de l'idiosyncrasie. Michael Sorkin, au contraire, continue de nous impressionner par son étrange capacité à semer l'épouvante dans les rangs de l'intelligentsia et à provoquer la fantaisie dans l'âme des gens ordinaires.

Mack Scogin

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Governors Island
New York, USA, 1995-96

michael sorkin studio
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Cette île, spectaculairement située (Upper Bay de New York) a été abandonnée par les gardes-côtes et s'ouvre aujourd'hui aux projets. Vraisemblablement, le futur de l'île risque d'être négocié comme une tractation commerciale. Ce projet ne partait d'aucun a priori spécifique en terme de programmes et d'activités, sauf quant à leur caractère dense et public. En fait, Sorkin a élaboré plusieurs hypothèses programmatiques et finalement a opté pour une "Université de la Terre", consacrée aux sciences et aux politiques de l'environnement ; la situation de l'île dans la baie renvoyant à celle de la Terre dans l'univers. En complément, le projet inclut une série d'activités récréatives et reliées à l'eau. Les bâtiments circulaires sont des immeubles de loft en brique, inspirés de la forteresse circulaire de Battery Park, au-delà de la baie et de son anguleux compagnon sur l'île. Le cœur de ces bâtiments est creux et couvert en hiver pour permettre un usage continu. L'île est ainsi totalement re-façonnée mais en invoquant ses origines comme matériau.

 

Weed, AZ
Near Yuma (Californie), USA, 1994

michael sorkin studio
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Weed, AZ, est un projet de petite ville nouvelle, issu d'une réflexion sur les possibilités de reconversion de l'économie militaire américaine. Située au bord d'un lac artificiel créé par un barrage sur la rivière Colorado, Weed occupe une petite portion du territoire annexé par l'énorme champ de manœuvre de Yuma, et longe une zone agricole irriguée. La ville est conçue en fonction des capacités et des caractéristiques du site, de la proximité de l'eau et des trames de voisinage lâches, basées sur des rayons de dix minutes de marche à pied. Une série "d'épines" sécantes et ramifiées constitue un réseau de rues piètones, un élément d'organisation dimensionné pour différents types de mouvement incluant un système de transport public lent. Les voitures sont reléguées à la périphérie de la ville. Weed pose l'hypothèse d'un nouveau type de ville, située à la convergence du paysage, de la culture, de la technologie et de l'architecture. Dense et pédestre, entrelacée avec l'eau et la verdure, Weed entend offrir une diversité non-coercitive, des espaces pour des activités aussi bien planifiées qu'imprévues.

 

House for a Near Future
Projet expérimental, 1998

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Ce projet propose une maison expérimentale pour trente personnes, une petite communauté partageant les même ressources et le même environnement. L'unité de base est un espace double, composé de deux foyers gérant en commun l'eau, les déchets, la production d'énergie et l'espace social. À partir de ce noyau, la maison s'élargit, à l'image d'une communauté qui elle-même peut s'agrandir. Sa forme s'actualise en fonction des arrangements désirés par les habitants. La technologie de la Future House est très sélective, adoptant aussi bien les dispositifs les plus avancés et les plus traditionnels. Construite en panneaux de plastiques dérivés de la graine de soja (permettant une infinie variété de formes), vitrée avec du verre aérogel (devenant instantanément opaque ou transparent en tournant un bouton), générant sa propre énergie (hydraulique et photo-voltaïque) et retraitant ses déchets par la technologie verte d'une "machine vivante", la maison est en paix avec son environnement rural. Branchée à un réseau à vitesse lente de véhicules mus à la fois par le soleil, l'hydrogène et l'homme, elle s'inscrit facilement dans son contexte local, tout en étant connectée aux réseaux mondiaux d'information.

 

Shrooms Housing
New York, USA, 1994

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Le projet Shrooms est basé sur une idée d'immeuble de lofts "multi-face" pour le quartier de East New York, quartier caractérisé par un nombre élevé d'espaces vacants et de terrains vagues, la plupart appartenant à la ville. Considérant ces parcelles vides non comme un défaut mais comme une ressource communautaire, Sorkin attend de cette guirlande évolutive de Shrooms qu'elle contribue à la fois à reconstruire le quartier et à l'agrémenter de verdure. Pour lui, le type du loft constitue déjà en soi un espace protopublic, où d'innombrables activités privées sont possibles. Rejetant la notion moderniste d'un espace public universel et désincarné, Shrooms est une exploration des réciprocités entre public et privé plutôt qu'un essai de leur disjonction. Comme projet urbain, Shrooms entend établir une nouvelle trame de mouvement à travers le quartier. Ces "coulées vertes" publiques conduisent à des "pièces vertes", au cœur de chaque structure, qui distribuent les lofts autour d'elles. Ce réseau d'espaces verts publics évolutifs envahissent les toits de Shrooms comme un système de jardins connectés, un détournement vertical du plan du sol, un retour à l'usage collectif.

 

 

Michael Sorkin (1948)
Diplômé d'Harvard University et du Massachusetts Institute of Technology

Andrei Vovk (1958)

Enseignement

Michael Sorkin

2000 - Professeur d'Urbanisme et Directeur de l'Institut d'Urbanisme de l'Academy of Fine Arts à Vienne ; Directeur du Graduate Urban Design Program au New York's City College Michael Sorkin a également été professeur à Cooper Union, Columbia, Yale, Harvard, Cornell…

Principaux projets et réalisations

1999 – "East Jerusalem" plan pour une capitale palestinienne (projet) ; "University of Chicago" aménagement du campus (concours) ; "Schwerin" Allemagne, masterplan (projet)

1998 – "House for a Near Future" (projet expérimental) ; "Hambourg" Allemagne, masterplan (projet)

1997 – "Bay City Studies" masterplan pour une portion du front de mer, San Francisco (projet) ; "Chavez Ravine" parc public autour du Dodger Stadium, Los Angeles (projet) ; "Floating Islands" commande publique, Hambourg, Allemagne (projet) ; "Friedrichshof Commune" projet urbain, Burgenland, Autriche ;

1996 – "Governors Island" masterplan (concours) ; "Bucharest 2020" projet urbain (concours) ; "Neurasia" prospective urbaine

1995 – "Wagga Wagga" centre civique, New South Wales, Australie (concours) ; "Turtle Portable Puppet Theater" (projet)

1994 – "Weed AZ" projet de ville nouvelle, Yuma, Arizona ; "Shrooms" lofts "multi-face" East New York (projet) ; "Brooklyn Waterfront" masterplan pour une portion du front de mer, New York (projet) ; "Mondo Condo" Miami, Floride (projet) ; "Shoehaus" logements, Vienne, Autriche (projet) ; "Souks de Beyrouth" (concours)

1991 – "Berlin Spreebogen" (concours) ; "New York City" logements (projet) ; "Beached Houses" Whitehouse, Jamaïque (projet)

1990 – "Tour Godzilla" Tokyo, Japon ; "Tracked Houses" maisons sur rails, New York (projet)

Expositions récentes

1995/96 – "Urbanagrams" Harvard University et Cornell University

1995 – "Subjects & Objects" San Francisco Museum of Modern Art

1994 – "World War II and the American Dream" National Building Museum, Washington

Principales publications de Michael Sorkin

1998 – "Michael Sorkin Studio : Wiggle" éditions The Monacelli Press, New York

1992 – "Variations on a Theme Park" éditions Will & Hang, New York

– Michael Sorkin est également l'auteur de "Exquisite Corpse" ; "Local Code" ; "Giving Ground" avec Joan Copsec ; il collabore à de nombreuses revues généralistes, mais aussi spécialisées dont Architectural Record, I.D., Metropolis. Il a été, durant 10 ans, le critique d'architecture du Village Voice, USA