Deux histoires pour l'avant-garde Michael Speaks J'ai toujours été séduit par l'histoire du critique de l'architecture anglaise, Colin Rowe, sur le voyage de l'Architecture moderne à travers l'Océan atlantique : de quelle manière sa chair physique et sa morale, ou sa forme et son idéologie, se sont séparées; comment l'idéologie soit resta en Europe soit sombra quelque part dans les eaux froides de l'Atlantique ; comment la forme accosta sur les rivages américains pour devenir le style de l'Amérique corporatiste, et comment, par suite de la suprématie américaine, militaire et culturelle, de l'après-guerre, cette architecture formaliste devint le style "international", style vendu au reste du monde comme authentiquement moderne. Cette petite histoire de Rowe est également applicable à la "théorie", cette série de tracts philosophiques français, allemands et italiens pour la plupart, qui arrivèrent aux Etats-Unis à la fin des années 1970 à travers les départements de littérature comparée et qui furent disséminés dans toutes les universités américaines comme un nouveau mode fascinant de pensée contemporaine. La théorie, tout comme l'architecture moderne, fut détachée de ses origines continentales et réimplantée ici, aux Etats-Unis, où elle revêtit une existence plus légère, plus circonstanciée. Ceci fut rendu possible en découplant la philosophie et les autres champs disciplinaires traditionnels, tels que l'anthropologie, de leur substrat réel - de l'étude du terrain dans le cas de l'anthropologie - par le biais des méthodologies de la sémiotique qui se présentaient dans leur dimension plus scientifique, plus universelle, à travers leur analyse des structures de l'organisation sociale. Le langage devint prééminent, ainsi que le suggérait, même à propos de notre psyché, l'affirmation de Jacques Lacan selon laquelle l'inconscient était structuré d'une manière aussi radicale que le langage. La linguistique brisa les frontières disciplinaires à tel point que chacun pouvait devenir un spécialiste en "théorie" sans qu'il y ait une quelconque affiliation, matérielle ou disciplinaire. La théorie était transportable - elle pouvait se rattacher à pratiquement n'importe quel champ d'étude, film, littérature, anthropologie, histoire de l'art, même architecture. Transportable aussi parce que, par définition, la théorie était traduite en anglais/américain, et pouvait outrepasser les ancrages récalcitrants de l'identité nationale ou les prétentions des spécialistes - chacun lisait de la théorie dans sa traduction, même les universitaires américains qui, pour la plupart, avaient développé des styles d'exposé de théorie française et des modes d'analyse qui apparaissaient comme étrangers à leurs collègues. La théorie véhiculait toute l'énergie de la philosophie sans les préambules venteux des Allemands et sans les réserves ténébreuses des Français, c'est-à-dire sans des années d'étude, d'affiliation politique ou de connaissance approfondie. La théorie était une arme pour la jeune génération après 68, lasse de la moralité et de la lenteur de leurs aînés qui semblaient tellement dépourvus de toute théorie, qu'ils aient adopté ou rejeté la théorie. La théorie était une philosophie rapide et elle fit son chemin à travers différents départements des universités américaines dans les années 1970-80, et finit par arriver tardivement à l'architecture, comme le fit souvent remarquer, de manière si éclatante, Mark Wigley. Et lorsque ce fut le cas, il était inévitable que la théorie et l'architecture moderne formaliste, décrite par Rowe, allaient croiser leurs chemins. Motivée par la tentative de reconnecter forme et idéologie, l'histoire de Rowe nous permet de comprendre plus clairement les ambitions des avant-gardes contemporaines qui visaient à rétablir la mission sociale de l'architecture moderne, et de le faire à travers un vocabulaire formel éminemment moderne. Nulle part ce ne fut plus évident que dans des revues telles que Oppositions, Assemblage et ANY, et dans des expositions telles que "Deconstructivist Architecture" (1988) au MoMA ou "Autonomy and Ideology Symposium" (1996) également au MoMA à New York. Dans toutes ces tentatives, mais surtout dans l'exposition "Deconstructivist Architecture", la théorie (déconstruction) était liée à une forme expérimentale dans un effort de créer une architecture d'avant-garde critique, résistante et aux sympathies de gauche. Cependant, vers le milieu et la seconde moitié des années 1990, le désir de l'avant-garde de reconnecter forme et idéologie diminua au fur et à mesure que la forme commençait à se fondre dans les blobs et les champs de données, et que l'idéologie gagnait des galons et se reconfigurait comme une marque d'identité et un style de vie. Comme la science pop, les nouvelles technologies digitales et la marque devinrent les questions les plus urgentes de l'architecture ; la position "critique", ouvertement autorisée par la théorie, commença alors à perdre prise sur l'avant-garde. Résolument critique et résistant à une réalité commerciale émergente portée par les forces de la globalisation, apesantie par son attachement historique à la philosophie et incapable de se reconnaître elle-même comme un nouveau mode de pensée marchandisée, la théorie n'était pas libre ou suffisamment rapide pour se confronter aux contours indécis de l'e-commerce et des systèmes ouverts. En fin de compte, la théorie, et le projet d'avant-garde qu'elle permettait, s'avéra inadaptée aux vicissitudes du monde contemporain. C'est ainsi qu'aujourd'hui nous nous tenons à la fin d'une période historique d'expérimentation dominée par la petite histoire de Rowe. Mais celle-ci est révolue, et une autre histoire a déjà commencé à la supplanter. Rarement racontée, mais non moins influente sur la direction et l'ambition de l'architecture contemporaine, l'histoire où le voyage à travers l'Atlantique s'effectue, en fait, dans une direction opposée à l'histoire de Rowe - de l'Amérique vers l'Europe -, motivée, non pas par l'idéologie et la forme, mais par les leçons pragmatiques apprises à Manhattan. Cette histoire se rapporte à la découverte d'une autre architecture américaine que, celle formaliste, racontée par Rowe. Elle est celle de Rem Koolhaas dans son célèbre livre, "Delirious New York". Koolhaas fit plusieurs découvertes au cours de ses recherches sur New York, qui contribuèrent à déclencher l'émergence d'une pratique expérimentale de l'architecture, masquée par les ambitions étroites de l'avant-garde. Bien que de nombreux arguments pour une nouvelle espèce de GRANDE architecture n'émergeront pas avant plusieurs années après la publication de "Delirious New York", Koolhaas mit l'accent dans ce livre sur une architecture moins concernée par la forme et l'idéologie que par les forces formatrices, les logiques et les technologies de la condition métropolitaine ; une architecture de la quantité et non de la qualité, où la densité et l'échelle offrent des opportunités qui dépassent l'art affaibli de l'architecture ; une architecture qui exploite des opportunités proposées sous les conditions de la contrainte. Tout ceci était rassemblé dans le "Manifeste Rétroactif pour Manhattan" de Koolhaas, dans lequel il défend une architecture qui n'a besoin d'aucun manifeste, ni d'idéologie ou des idées de la garde-avancée, pour être effective. Une telle architecture a, selon lui, déjà eu lieu aux Etats-Unis, sans génie, sans autorité et, chose plus importante, elle a accumulé plus de preuves qu'il n'en faut pour être convaincante. Bien entendu, les découvertes de "Delirious New York" servirent de base à tout le travail d'OMA au cours des années qui suivirent en Europe, mais elles déclenchèrent aussi l'émergence d'une nouvelle pratique de l'architecture aux Pays-Bas. Lors d'une exposition intitulée BIG SOFT ORANGE, qui voyagea en 1999 aux Etats-Unis, j'ai défendu l'idée que cette nouvelle pratique fut l'une des premières réactions aux conditions émergentes de la globalisation, identifiée dans le titre de l'exposition. Le BIG se réfère à l'exigence de quantité exprimée par le Vinex, aux Pays-Bas, de construire plus d'un million de nouvelles habitations dans les vingt prochaines années. Le SOFT signale l'émergence d'une nouvelle approche perceptible dans un renouveau de l'analyse et de la manipulation du matériel et des processus immatériels, des logiques et des codes, ainsi que dans l'importance grandissante de la planification du scénario, se profilant, tout comme d'autres mécanismes d'orientation ancrés temporellement. J'ai identifié le troisième terme, caractéristique de cette nouvelle approche, à une attitude avouée de post-avant-garde, qui va de pair avec l'acceptation du marché comme réalité prééminente de la pratique architecturale et urbaine contemporaine. Mon argument était que la plupart de ces jeunes agences hollandaises préfèrent s'emparer, de manière pragmatique voire agressive, de la réalité ORANGE du commercialisme et de l'artificialisation, ces deux centres d'intérêt historiques éminemment "hollandais" qui, à travers la globalisation, sont rapidement en train de devenir la préoccupation de secteurs géants du globe. A la différence des avant-gardes du début du XXe siècle qui entendaient évacuer ce qui était déjà là afin d'établir un nouvel ordre social et à la différence des théories d'avant-garde des années 1980 qui s'efforçaient de résister à ce qui se trouvait déjà là, la plupart des jeunes agences hollandaises se concentrent précisément sur ce qui est "juste là", sur les contraintes et limites d'un marché global qu'ils ne voient pas comme un diable à qui il faut résister, mais comme une nouvelle condition de possibilité. Bien que j'y étais surtout concerné par cette architecture hollandaise actuelle, il est devenu aujourd'hui évident que beaucoup de nouvelles pratiques et formes de l'architecture surgissent pour relever le défi de la globalisation et que beaucoup d'entre elles ont à voir, d'une manière ou d'une autre, avec les trois conditions énumérées dans l'exposition BIG SOFT ORANGE. Bien que ces pratiques soient singulières et uniques, beaucoup ont commencé à se conformer à une approche expérimentale d'entreprise, s'efforçant de s'emparer de la réalité d'un monde dominé par les Nouvelles Règles pour la nouvelle économie ("New Rules for the New Economy") de Kevin Kelley : 1) embrasser la prolifération; 2) les profits croissants avec les connexions croissantes ; 3) l'accent sur l'abondance au lieu de la rareté ; 4) suivre ce qui est libre ; 5) alimenter d'abord le web ; 6) se laisser aller au sommet ; 7) des lieux aux espaces ; 8) pas d'harmonie, que des flux ; 9) développer des relations soft de toutes sortes ; 10) se concentrer sur les opportunités avant les rendements (1). Toutefois, partout dans le monde aujourd'hui et, plus particulièrement, aux Etats-Unis et en Europe, est apparue une nouvelle romance de la culture corporatiste du business. Pratiquement toute l'attention est portée sur une nouvelle génération de managers et d'entrepreneurs qui sont à présent mis en vitrine dans les magazines de société consacrés aux affaires tels que Business 2.0, Fast Company et Red Herring. Soutenus par le succès écrasant des industries IT et revigorés par les tensions virulentes et agressives du "venture capital" qui ont émergé en Californie du Nord, ces nouveaux managers font figure de héros dans le combat qui vise à apprivoiser et donner du sens au monde complexe qui a jailli des forces de la globalisation. Bien que, dans un premier temps, spectateurs de ce monde rapidement traversé des corporations globales, ces entrepreneurs avant-gardistes (et ce n'est certainement pas le nom approprié pour une classe d'actifs qui ont dépassé les ambitions de n'importe quelle avant-garde historique), se dévoilent de plus en plus dans le monde du design, de l'architecture et de la planification urbaine. C'est cependant cette approche manageriale', et non l'intérêt pour le travail de Gilles Deleuze, les géométries post-euclidiennes, les diagrammes ou les données, qui unit la démarche des pratiques architecturales les plus novatrices à travers le monde aujourd'hui, qui comprennent celles, entre autres, de Greg Lynn Form, Reiser & Umemoto, Cortex, UN Studio, MVRDV, FOA, OCEAN, et d'autres présents à ArchiLab. Une grande attention est aujourd'hui portée à cette nouvelle approche, en particulier dans les écoles d'architecture ; l'une des plus véhémentes est le nouveau "Design Research Laboratory" de l'Architectural Association, le DRL, dirigé par Patrick Schumacher et Brette Steel. La véritable portée de ce travail - ses ambitions "manageriales" - est cependant occultée parce que les centres principaux d'intérêt se sont focalisés sur le problème plus attrayant, presque universitaire de "recherche". Daidalos consacra récemment un numéro entier à ce sujet qui caractérise le travail de la plupart des agences déjà mentionnées, tout en promouvant Rem Koolhaas et OMA comme pionniers et innovateurs de cette nouvelle recherche qui s'articule sur la pratique. Dans un essai, qui n'est pas encore publié, "Junk Space", Koolhaas admet cette situation lorsqu'il suggère que son travail au GSD lui permet une latitude intellectuelle qui lui était refusée par la pratique normative de l'architecture. Les véritables ambitions et intentions de cette approche manageriale ne deviennent cependant claires que lorsque nous regardons de plus près de quelle manière la recherche est comprise en relation avec cette culture corporatiste et les innombrables chemins à travers lesquels la globalisation est en train de transformer la pratique de l'architecture. Co-directeur du DRL, Patrick Schumacher écrit : "Pourquoi la recherche ? Le business de l'architecture n'est pas exclu du défi de l'innovation compétitive. La restructuration de l'économie qui s'accélère affecte l'organisation de la production architecturale comme toutes les autres sphères de production ( ). A une époque de restructuration décisive, les questions concernant la conception de la production et le processus peuvent seulement être posées à l'intérieur d'un contexte universitaire qui appréhende l'architecture comme une recherche articulée sur le business plutôt que comme un moyen d'expression artistique" (2). Cette affirmation est très littérale, très claire : l'architecture ne peut plus reculer devant le monde dégradé des affaires et de la pensée corporatiste. Au contraire, elle devrait chercher, de manière agressive, à se transformer en une recherche qui se fonde sur le business. Bien que n'étant pas partisan d'une telle approche de l'architecture qui réclame une recherche basée sur le business, je pense qu'il convient cependant de reconnaître que cette approche "manageriale" apporte une infrastructure intellectuelle nécessaire à la génération d'architectes et d'urbanistes qui ont perdu pied et ont émergé pour défier la globalisation : à savoir les défis amenés par la quantité et la commercialisation afin de développer des stratégies de conception plus souples et suffisamment flexibles qui permettent de se confronter aux défis du marché. Les outils de ces nouveaux managers ne sont plus ceux de l'architecte ou du planificateur traditionnel, mais ceux du planificateur de scénario et du spécialiste de l'animation. Les logiciels d'animation, tels que ceux utilisés par Greg Lynn ou MVRDV dans leurs "Datascapes", se donnent comme des moyens de tester la capacité de l'architecture d'interagir avec et de transformer les forces formatives, cachées ou incorporées. En accord avec l'histoire de Koolhaas, Kelly, dans "New Rules for the New Economy", avance que, dans un futur proche, trois facteurs vont caractériser la nouvelle économie : elle sera globale, elle préférera les choses souples et intangibles aux choses dures et tangibles, et se donnera en réseau. De la même manière, les pratiques contemporaines préfèrent le temps, l'interactivité et l'innovation tandis que l'espace, l'originalité et la quête du nouveau se sont tous ensemble effondrés comme sujets de préoccupation. Sans doute le changement le plus significatif, aujourd'hui, concerne la catégorie du "nouveau", que Jeffrey Kipnis défendait si fortement dans le numéro d'AD : Folding in Architecture au milieu des années 1990. Kipnis, ainsi que Sanford Kwinter, qui ne se lassent jamais de proposer et puis de rétracter des manifestes et, dans une certaine mesure, Koolhaas lui-même, se sentent souvent jouer un rôle dans le petit récit de Rowe. Bien qu'initiée par Koolhaas, la seconde histoire s'est transformée et s'est, de bien des façons, déplacée au-delà des propres flirts de Rem Koolhaas avec le marché dans ses analyses de Jerde, Portman et du shopping. L'on a souvent l'impression que Koolhaas émerge des bas quartiers, donne un aperçu du monde avilissant du commerce afin de mieux démarquer son avant-gardisme de l'avant-garde dominée par la théorie démodée des années 1980 et 1990. Ce qui se passe est, en fait, que l'intérêt de l'avant-garde pour le nouveau est aujourd'hui éclipsé par une exigence d'innovation. Le nouveau réclame des manifestes tels que ceux rédigés, en cinq points, par Kipnis, pour une nouvelle architecture dans AD : Folding, et qu'il chercha, tout comme Kwinter, désespérément à articuler au cours de ces quatre dernières années. Même la rupture de Koolhaas avec le récit de Rowe est rendue possible à travers un "manifeste rétroactif". A la différence des modernistes, de l'obsession de l'avant-garde pour le nouveau, les innovateurs ne créent pas d'abord des idées ou des idéologies (des concepts ou des plans) avant de les mettre en uvre dans le monde réel (objectif final). Les idées et les choses, le matérialisme, qui est si souvent convoqué par la dernière et la plus hystérique théorie d'avant-garde, doivent eux-mêmes faire partie d'une conception en perpétuelle transformation, qui n'est jamais entendue comme un objet statique, mais est toujours en mouvement dynamique. Cette approche de la conception est sans doute aujourd'hui le mieux perceptible dans le monde émergent de l'élaboration rapide de prototypes où la recherche de "nouveaux" prototypes qui résoudraient des problèmes spécifiques a été remplacée par celle de prototypes qui ne se préoccupent que de réunir des équipes qui innovent. C'est un monde qui épouse étroitement les préceptes du novateur en management, Peter Drucker, sur l'exploitation des opportunités avant de résoudre des problèmes. Ainsi que l'avance Michael Schrage, professeur à la Business School de Harvard, dans son récent livre, "Serious Play : How the best Companies simulate to innovate". "Convertissant sans cesse et rapidement de nouvelles idées de production en maquettes brutes et en modèles de travail la perception traditionnelle du cycle de l'innovation s'est retournée : au lieu d'utiliser le processus d'innovation pour finaliser des prototypes aboutis, les protypes eux-mêmes véhiculent le processus d'innovation". Ceci est le statut des animations ou des datascapes ; elles ne sont pas des produits finis, mais des conceptions innovatrices qui mènent à plus d'innovation. C'était le statut d'un projet de Maxwan et de Crimson pour une extension de la ville d'Utrecht de 30 000 maisons. Dans un essai récent intitulé "Orgwars", le protagoniste de Crimson, Wouter Vanstiphout, présente les ambitions de son plan flexible : "Leidsche Rijn est un urbanisme de la négociation, qui est fier de l'être. Les négociations ne sont pas là pour permettre au projet de se réaliser ; le projet est conçu pour négocier, pour construire la ville". Comme une histoire se termine et qu'une autre commence, la confusion demeurera la même. En témoigne l'hystérique "FFE : Trahison des Clercs" de Sanford Kwinter, publié dans un numéro récent de la revue ANY. Dans ce numéro bimensuel, Kwinter s'en prend à MVRDV et à BIG SOFT ORANGE comme des interprétations, des détournements de seconde zone de ce qu'il appelle la "plus grande souveraineté" de Rem Koolhaas et de OMA. Trahison, souveraineté, religion ? Bien que décalé par rapport aux réalités contemporaines, Kwinter reconnaît correctement le génie de ces nouveaux managerialistes' quand il dit qu'ils sont : "débarrassés de toute intensité sociale ou physiologique, c'est-à-dire de tout ce qui se rapporte à l'épaisseur historique, existentielle des idéaux, des rêves, ou des valeurs transévaluantes' ". Heureusement libérés de la mission historique de créer le futur, les concepteurs qu'il attaque sont à même d'intervenir dans le contemporain. La différence entre la déclaration de Kwinter sur ces architectes et la mienne est que je vois comme affirmatif et opportuniste ce qu'il estime négatif ou diabolique. Pris entre deux histoires, Kwinter, comme beaucoup d'entre nous, lutte pour trouver un nouveau rôle à jouer. Contribuant activement à une nouvelle culture globale contemporaine, ArchiLab et la Ville d'Orléans nous offrent à tous l'occasion de raconter de nouvelles histoires, de rencontrer des amis et de découvrir de nouveaux rôles. Ce dont je suis reconnaissant, impatient de découvrir cet événement et sa vie ultérieure.
(1) Kevin Kelly, "New Rules for the New Economy : 10 Radical Strategies for a Connected World" New York, Penguin, 1999. (2) Patrick Schumacher in Daidalos, Berlin, 69/70, 1998-99.
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