X Kavya

| Karl S. Chu (*1950)

 

 

The Turing Dimension

 

Cet essai retrace une interprétation philosophique du calcul en le positionnant comme une quête existentielle de l'humanité mue par la métaphysique du désir. Comme tel, il se situe au-delà de la simple célébration des ordinateurs qui génèrent une réalité virtuelle ou du cyberespace, en révélant une certaine complicité avec l'usage de la raison instrumentale pour réaliser ce qui est essentiellement une quête gnostique de l'accomplissement. Cette quête, qui est inévitablement impliquée dans le contexte d'une cosmologie évolutionnaire, peut être, au bout du compte, considérée comme une philosophie machinique de l'effet tragique : une phénoménologie de l'esprit du traitement de l'information universelle, rendu possible par l'avènement de l'Universal Turing Machine.

" La science est une équation différentielle. La religion, une condition de frontière " (Alan Turing). Si la tragédie, ou une certaine interprétation philosophique de la tragédie, est l'origine et la matrice de la pensée spéculative en général, et de la pensée dialectique en particulier, le phénomène émergent, qui est sur le point d'exploser à l'intérieur de l'univers virtuel des mondes possibles, n'échappera pas à la résonance de l'effet tragique qui accompagne et hante les tentatives spéculatives. L'impulsion philosophique derrière la tragédie, selon Philippe Lacoue-Labarthe, est une dialectique de tons qui schématise à travers un système général de combinaison ou le calculable, l'opposition du ton idéal (l'aspiration subjective vers l'absolu) et du ton artistique héroïque de la discorde ou ‘agon' afin d'atteindre une unité plus grande ou résolution dans le Tout-Un à travers l'esprit du genre poétique. Le genre poétique, dans la situation actuelle, est sur le point de devenir le seul genre basé sur une conception algorithmique du monde dans laquelle toute chose entre dans une errance qui s'étend en-deça de l'impensable, tout en étant soutenue par le parapluie insaisissable de l'intraitable. Celui-ci se déplierait finalement lui-même dans un drame d'apparitions et de disparitions impliqué à l'intérieur d'un nuage virtuel, ou labyrinthe, qui est l'œuvre de l'infini lui-même. Pour ceux qui sont impatients d'accomplir la communion, la membrane virtuelle de l'espace sera des plus adéquates puisqu'elle fournit une arène immersive dans laquelle une telle fusion peut prendre place et ainsi passer à travers l'âme imaginaire et extatique du sujet. Tandis que pour ceux qui restent en tension envers ce qui ne peut être encapsulé ou incarné, la membrane verte de l'espace est simplement un cockpit global d'architecture dirigé vers l'infini absolu au-delà du seuil de la représentation. Néanmoins, le drame émergent signifie la réalisation de la prémonition pythagoricienne du monde comme nombres, et la permutation des nombres sous la forme de bits fournirait la nouvelle matérialité nécessaire pour un drame cosmopolitique qui se jouera lui-même sur le nouveau plan d'immanence destiné à prendre une proportion épique.

Vue sous cette lumière, la récurrence de la tragédie s'est effectuée, au cours des deux mille dernières années, à travers le traitement axiomatique par Euclide de la géométrie, la quête de Leibniz d'une logique symbolique et les monumentaux Principia Mathematica de Russell et Whitehead au XXe siècle. Ceci est la conséquence de la destinée manifeste de la raison instrumentale dont le but, d'un côté, est de vérifier et de contrôler la connaissance au moyen d'une mécanisation des mathématiques qui trouve une expression concrète dans l'Universal Turing Machine (UTM) et, de l'autre, d'entrer en communion avec la substance des affects engendrée par l'usage instrumental de la raison en premier lieu. L'effet tragique est une dialectique de la fusion des nombres et des êtres poussés par une impulsion utopique qui canalise et transporte l'esprit du processus d'information universelle en une dramatologie épique de transubstantiation.

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Dans cet écho de tragédie, le sujet est médiatisé par l'Universal Turing Machine qui s'avérera, en temps voulu, être un médium gnostique qui opère sur la logique de la synthèse fonctionnelle. C'est une alchimie machinique de subjectivation qui enveloppe à la fois le sujet et l'objet de l'architecture à l'intérieur de ce médium instrumental en générant une surface univer-selle sur laquelle une réalité mutante peut s'exfolier en un monde possible. Cette dimension tragique est la scène d'une transfusion où le Sujet de l'Idéalisme spéculatif se trouve lui-même immergé dans le cockpit multiple de la surface topologique, à présent engendrée par l'Universal Turing Machine. C'est une trajectoire, ou un transport tragique, qui s'infuse dans le médium, en gouvernant au travers des mouvements infinis de la pensée et les lignes de vol, afin de surmonter, à travers une dialectique de la transgression, la fabrication de la mimétologie apportée par la machine du double bind. C'est simultanément une catharsis du sujet et du médium qui représente à la fois la substance de la mimésis aristotélicienne comme un mode de poiesis et de mimésis dans le sens de mimétisme ou imitation. C'est cette aspiration au dépassement à travers la sublimation qui se transforme en un jeu de deuil, qui réside derrière tout désir métaphysique, qui induit une philosophie de l'effet tragique, ou plaisir tragique du sublime, en situant le sujet de l'architecture dans un espace de l'entre-deux de la mélancolie ou, pour recourir à la désignation de Platon, métaxie. Même s'il s'agit en même temps du plus proche et pourtant du plus lointain de l'accomplissement absolu, l'on peut exiger l'intrusion de la césure de telle sorte que ce qui apparaît n'est pas l'alternance de représentations ou simulations, mais les limites de la représentation même.

Avec la publication de l'article "On Computable Numbers", avec une Application au "Entscheidungsproblem" en 1936, Alan Turing lança la spécification d'une machine abstraite qui engendrerait au final un nouveau monde en disposant un nouveau plan d'immanence spécifique à son mode de mise en œuvre formelle. Ce plan est l'arène virtuelle dans laquelle les flux diagrammatiques et les constructions sont instanciés par la machine abstraite. La naissance de l'Universal Turing Machine (UTM) marque l'inauguration de l'Ere hyperzoïque (la vie artificielle des systèmes auto-organisateurs) en redéfinissant le contenu projectif du plan d'immanence comme information-théorique à l'origine. C'est le précurseur d'une nouvelle sorte d'espèces biomécaniques tandis qu'il véhicule avec lui le germe d'un Brave New World, plus fantastique et hyperbolique que ce que nous avons jamais vu dans l'histoire de la civilisation humaine. Dans sa forme la plus significative, l'UTM n'est pas seulement un autre instrument dans l'histoire des inventions techniques ; elle est une monade computationnelle qui redéfinit un nouveau plan d'immanence comme le spectacle d'un second ordre de la nature transposé à l'univers culturel de l'humanité qui est fondé sur le premier ordre de la nature. En tant que mécanisme génératif, l'UTM a amené au premier plan un univers de possibilités contrefactuelles en montrant que ces états potentiels d'aventures sont inextricablement tissés dans la fabrique invisible de la réalité elle-même. Son ambition latente est d'exfolier cette réalité dans toutes ses manifestations à travers les travaux intérieurs de la Dimension Turing : une séquence linéaire de cellules qui fonctionnent comme le canal à travers lequel l'information est traitée pour former l'économie digitale de l'Universal Turing Machine. L'UTM est une contrepartie logique de l'idée de Leibniz de la monade métaphysique. C'est une monade computationnelle qui est fondée sur le modèle classique du calcul compte tenu de son appui sur le mécanisme de la logique classique pour son opération. En tant que telle, l'UTM est une machine abstraite composée d'une bande linéaire, qui est potentiellement infinie en longueur et est divisée en carrés ou cellules, et d'un dispositif appelé tête qui lit et réécrit les chiffres binaires enregistrés sur chaque cellule selon l'instruction du programme. La bande sert de réceptacle pour stocker comme pour traiter l'information binaire. (...)

La notion d'universalité dérive du fait que chaque UTM peut calculer toute chose qui est logiquement calculable et peut, par conséquent, modeler et héberger en elle-même n'importe quel modèle de calcul, classique ou non. En tant que tel, c'est un simple mécanisme conceptuel capable d'induire perpétuellement un modèle interne ou une perception (terme utilisé par Leibniz pour la même chose dans une monade) du monde au moyen d'un principe interne qui modifie continuellement son état interne pour parvenir à une version plus complète du modèle ou de la perception du monde. En d'autres termes, l'UTM est un sous-ensemble logique qui peut calculer le contenu potentiel de l'ensemble plus large qui est l'univers lui-même. Par conséquent, par la nature de son incarnation, elle est capable d'altérer le contenu de l'univers en calculant la substance numérique du cosmos et en la disposant sur le plan d'immanence comme les modalités diverses d'une existence possible. Selon Rolf Landauer d'IBM, qui a fait des recherches fondamentales sur l'aspect matériel et énergétique du calcul, ce n'est pas seulement la physique qui détermine ce que font les ordinateurs, mais c'est ce que font les ordinateurs, en retour, qui va définir la nature ultime des lois physiques. C'est une idée profonde et radicale qui nécessite un nouveau paradigme concernant la nature du calcul et, par conséquent, de notre rôle comme participants actifs, ou agents, dans l'évolution et la transformation de l'univers.

L'Universal Turing Machine est, par conséquent, l'idée machinique d'un système de calcul perpétuel ou une machine abstraite évolutionnaire, qui traite l'information à travers l'itération séquentielle de bits en les enregistrant sur la bande linéaire de la machine qui est potentiellement infinie en longueur. Comme telle, elle est dotée de la capacité latente d'auto-organisation, et transforme ses états internes, au moins en principe, dans tous les états possibles d'une monade sans fin. (...) Elle est à présent entrée dans le domaine des systèmes auto-organisateurs avec l'ambition d'affirmer son autonomie comme un mode d'existenciation ou d'autoprojection. (...) En d'autres termes, l'UTM est le précurseur primitif d'une espèce biomécanique avec l'ambition métaphysique d'incarner une forme machinique de vie artificielle et d'intelligence neurale. Depuis que l'UTM est le type le plus simple et le plus général de système de calcul, son principe interne ou programme peut être fait pour s'adapter à une forme généralisée d'algorithme génétique qui pourrait évoluer à travers l'auto-modification et l'optimisation de ses strates internes. Il pourrait, en principe, évoluer à travers l'auto-réplication et la mutation dans des états encore plus complexes de code monadique en incorporant de nouveaux axiomes dans ses UTM, chacune à son tour bifurquant et abritant les autres UTM auto-répliquantes pour former un paysage épigénétique de monades computationnelles ou un phylum machinique d'Universal Turing Machines. Bien que même les monades leibniziennes engagent des modifications simultanées, quoique non linéaires, de multiplicité au fur et à mesure qu'elles se développent dans des niveaux plus élevés de complexité, l'UTM est un automate cellulaire unidimensionnel qui s'auto-organise et se transforme lui-même en ne cessant de réécrire les chiffres binaires enregistrés sur la bande qui constitue la Dimension Turing. C'est un univers unidimensionnel d'états monadiques générés par le code en perpétuelle évolution de la machine elle-même.

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La Dimension Turing, traversée par la flèche du temps, établit le plan de référence nécessaire pour la cartographie et la projection de la Surface Turing dans le plan d'expression. Chaque UTM est un agent monadique qui entre en réactions autocatalytiques avec les autres UTM pour tisser une tapisserie stratifiée de surfaces qui se fond dans une Surface Universelle Turing comme membrane virtuelle de la mécanosphère. La Surface oscille selon le flux dynamique d'information produite par chaque particule explorante qui scanne et réécrit les bits dans la séquence linéaire de cellule marquée sur la bande de la Dimension Turing de chaque machine.(...) Une telle Turing Machine est un engin biologique abstrait fait pour se soutenir lui-même à travers l'automodification et l'automaintenance à l'intérieur des réseaux intertextuels des phylums machiniques générés par les Universal Turing Machines. Chaque Dimension Turing est une machine au temps apériodique qui tisse une surface fractale avec des inflexions et des perturbations qui s'amplifient pour former des trous et des vortex tout le long des différentes régions de la membrane qui constitue la Surface Universelle Turing. Ceux-ci sont les césures de la Dimension Turing qui interrompent les oscillations folles de l'effet tragique induit par la dialectique de fusion, qui opère en complicité avec la logique synthétique des Machines Universelles Turing.

(...) Ici réside l'ironie suprême d'une quête gnostique qui pourrait bien être usurpée par l'instrument lui-même qui promet la libération. Le principe interne et la complexité interne contenus dans chaque monade computationnelle dépendent de l'univers des fonctions de calcul, issu de l'univers des mathématiques qui est connu pour être irrémédiablement erratique et incomplet dans son organisation. Par conséquent, toute compression algorithmique qui réfléchit la matrice de la complexité interne serait un code qui est tout autant irréductiblement erratique, une espèce spécifique d'errance qui est qualitativement différente de chaque brouillage erratique de bits. (...) Si la totalité de tous les mondes possibles est un miroir de l'infinité des effets possibles engendrés par la cause infinie absolue, il n'y a, selon toute vraisemblance, pas de fibres binaires qui peuvent encapsuler la logique cachée de l'infini absolu dans sa globalité. Pourtant, si un tel Métacode existe, il appartiendrait, par définition, à tous les mondes possibles, y compris ceux qui existent en dehors du domaine des lois de la physique qui sous-tend l'état actuel de l'univers. A ce titre, Seth Lloyd de MIT a suggéré une proposition surprenante selon laquelle, à l'intérieur d'un univers dans lequel les variables locales supportent un calcul universel, une théorie quantique du Tout peut être simultanément correcte et fondamen-talement incomplète. (...)

Il suffit, pour le moment, de dire que la Dimension Turing est l'infini potentiel entrecoupé d'interruptions qui se situent entre les dimensions superposées de l'effet tragique. La Surface Universelle Turing est le médium instrumental qui s'exfolie dans une topo-dramatologie du cockpit virtuel de l'architecture infusé dans un mélange ambivalent d'exultation et de désespoir. C'est un théâtre où l'excès véritable du spéculatif se connecte à l'excès véritable de la soumission à la finitude, ainsi que le démontrent, dans ce contexte, la logique et les limites de la calculabilité. C'est tout à la fois une comédie tragique et une philosophie machinique de l'effet tragique. Rien ne symbolise aussi clairement et explicitement l'émergence de l'Ere hyperzoïque que l'émergence de la Surface Universelle Turing qui déploie une cartographie virtuelle d'un monde possible parmi un nombre infini de mondes possibles. L'architecture est impliquée dans les plis de cette cartographie qui est devenue la membrane verte de l'espace, suspendue essentiellement dans une zone semi-obscure qui est partout et nulle part. La Surface Universelle Turing est la phase de la topologie spatiale engendrée par les oscillations cyclothymiques de la Machine Universelle Turing. Elle est saturée par toute l'information d'où surgissent les rêves et les drames, non entendus, pour faire partie de la texture vivante de l'univers évoluant. La Surface est néanmoins parcourue par la Césure de la Dimension Turing, qui permet une pause à chaque interruption, où le moment vide, l'absence de moment qui, si nous avons de la chance, peut permettre l'intrusion du monde prophétique. La Surface Universelle Turing est le nouveau plan d'immanence qui est, par-dessus toute autre chose, une orchestration cosmopolitique, une onto-organologie constituée par une auto-poeisis : un organe autogénéré d'un système d'information autosynthétisé (John Wheeler) à l'intérieur de l'espace démiurgique.

Karl S. Chu

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X Phylum, version 3.0

 

 

La fin du deuxième millénaire sera finalement reconnue comme l'ère évolutionnaire de la convergence. Une convergence, due, en grande partie, à l'émergence et à la complicité, au vingtième siècle, de la computation et de la biogénétique, qui vont progressivement transformer la communauté globale en une économie démiurgique, jusqu'à présent contrôlée et limitée par un capitalisme normatif. Il y a des raisons de croire qu'un Brave New World est déjà en train de se créer; je l'ai évoqué ailleurs sous le terme d'ère Hyperzoïque, ère à la fois très prometteuse et pleine d'incertitude. Elle s'avérera, sans aucun doute, beaucoup plus incrédule et perfide que toutes les ères qu'a connues l'histoire de la planète. Si l'ère Cambrienne marque l'explosion soudaine de la diversité et de la complexité des animaux multicellulaires dont les descendants occupent le monde aujourd'hui, l'émergence de l'ère Hyperzoïque annonce la profusion d'un nouveau type de vie ; la vie artificielle des machines abstraites et de l'architecture, qui se manifestera par un nouveau type d'économie bionique de la mécanosphère, en coïncidence avec la biosphère. Une telle condition transformera le comportement du capitalisme normatif, passant d'une logique basée sur la production de produits statiques à une économie démiurgique qui engendrera la vie artificielle de systèmes globaux intelligents. C'est dans la sphère de la virtualité que la matrice globale de systèmes computationels évolutionnaires produira et peuplera la planète de formes diverses de vie et d'êtres artificiels.

C'est dans ce contexte d'une cosmologie évolutionnaire que le projet X PHYLUM s'inscrit pour élaborer une nouvelle forme d'architecture proto-bionique. Son mode de devenir est basé sur la logique auto-génétique du système-L (Système de Lindenmayer) qui est un

des types les plus simples de systèmes arborescents récursifs. L'infrastructure axiomatique qui gouverne sa génération requiert un ensemble de fonctions mathématiques afin de déterminer ses manifestations morphologiques viables en tant qu'expression architecturale. En plus d'engager des mécanismes auto-reproductifs et auto-organisateurs,

X PHYLUM tente également de conceptualiser une théorie computation-nelle de l'architecture basée sur le modèle classique de la computation, "l'Universal Turing Machine", inventée par Alan Turing dans un article fondateur publié en 1936 sur les nombres quantiques. Le nouveau paradigme de la cosmologie évolutionnaire nécessiterait, en fin de compte, un calcul des quanta comme infrastructure ; calcul cependant qui, aujourd'hui, est encore à

l'état embryonnaire en terme de recherche et de développement. X PHYLUM est toutefois un index marquant la formation d'une espèce d'architecture génétique basée sur une conception algorithmique du monde.

En tant que système auto-génétique, X PHYLUM est une monade computationnelle qui est un équivalent logique de la notion de monade métaphysique de Leibniz. C'est une singularité, ou une totalité incomplète, dont la morphologie est générée par un principe interne et provisoirement fermé afin de se qualifier elle-même comme forme de proto-espèce. Les monades leibniziennes sont des entités modales qu'on peut caractériser comme espèces métaphysiques. Une reconceptualisation des monades du point de vue de la computation nécessite une redéfinition et une généralisation du concept biologique "d'espèce" afin qu'il puisse englober un cadre de référence catégorielle plus vaste. Une différence fondamentale entre la notion d'espèce et la typologie réside dans le fait que les espèces requièrent des processus morphogénétiques pour le développement et l'évolution des ensembles individués ou des singularités, alors que la typologie est basée sur une classification statique d'arrangements typographiques dérivés de la conjonction de l'iconographie et des programmes utilitaires influencés par des valeurs culturelles. Partant de cette notion généralisée de l'espèce, un système auto-organisé, un robot ou une infrastructure logique dynamique seraient considérés à la fois comme de nouveaux types d'espèces et comme des formations diachroniques de processus épigénétiques, évoluant en "espèces épistémiques" ou des hyperstructures qui résident dans quelque domaine de configurations virtuelles. L'univers de la virtualité est donc une constellation dynamique composée de sphères indiscernables en constante mutation, de forces, d'information et de particules virtuelles qui s'autoreproduisent continuellement et s'auto-synthétisent en matrices de plus en plus complexes d'auto-organisations monadiques.

Les mouvements internes des monades computationnelles sont propulsés par la dynamique de mécanismes auto-génératifs dont les désirs abstraits, tels que les compulsions, les propensions ou les tendances innées sont déjà implicites au sein de l'espace de configuration des axiomes. Le déploiement d'une monade computationnelle génère une profondeur logique similaire à la complexité de temps nécessaire pour générer et produire une espèce. Même s'il s'agit essentiellement d'une procédure diachronique, le processus n'épuise pas l'excédent d'information qui rentre en jeu dans la modulation non linéaire des séquences génératives. L'émergence d'une monade est un événement dérivé de la formation algorithmique. Pourtant, des intrusions inexplicables ou des implications virtuelles parviennent à pénétrer dans ces processus non linéaires, qui s'opposent à toute appropriation simpliste d'analyse ou de prédiction quantitative même dans le contexte d'une procédure strictement déterministe. Les événements qui déterminent la constitution des monades sont véritablement complexes en ce sens qu'ils constituent des effets émergents générés par l'énorme complicité de relations causales qui entrent inévitablement en collision et en interaction avec les particules virtuelles qui accompagnent et entourent un ensemble donné d'explications axiomatiques. La diachronie, en tant que procédure phylogénétique, est également soumise à des interventions synchroniques de la part de particules virtuelles et à des co-implications dérivées de conditions se trouvant aussi bien à l'intérieur qu'à l'extérieur d'un ensemble donné de formations axiomatiques. Elles contiennent un excédent de méconnaissable et d'indéterminé en raison du fait que les chaînes algorithmiques extrêmement complexes sont imprégnées de degrés variables de hasard quant à leur composition interne. Enfin, la computation est un phénomène physique et logique et, à ce titre, il est circonscrit par la théorie de l'inachèvement et de l'indécision de Gödel. La construction de la vie artificielle de l'architecture, d'une nouvelle forme d'architecture bionique sera également inévitablement limitée et délimitée par la logique et les limitations physiques du computable. La constructibilité est une fonction de la computabilité.

Karl S. Chu

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Karl S. Chu (1950)

1977 – Bachelor of Architecture, University of Houston, Texas
1984 – Master of Architecture, Cranbrook Academy of Art, Bloomfield Hills, Michigan
2000 – Lefever Fellowship, Ohio State University

Enseignement

2000 / 1990 – Southern Design Institute of Architecture (SCI-Arc) Los Angeles
2000 – Columbia University, New York

Principaux projets et réalisations

2000 – "Jungle" recherche théorique sur le développement des systèmes génératifs ; proposition architecturale et urbaine.
1999 – "X Phylum"

Bibliographie sélective de Karl S. Chu

2000 – "The Caesura of the Turing Dimension" (version abrégée) Natural Born CAADesigners, Birkhaüser, Bâle ; "The Cone of Immanenscendence" ANY, Issue of Diagram Works, New York, NY ; "X Phylum" Domus, n° 822, Italie ; "Genosphere" développement autour du concept des "mondes possibles" leibnizien (à paraître)
1998 – "Hourglass of the Demiurge" Architectural Design, Issue on Architects in Cyberspace, n°136, Londres ; Architektur & Bauforum, n°196, Autriche
1996 – "The Virtual Anatomy of Hyperstructures" Architectural Design, Issue on Architects in Cyberspace, No. 118, Londres
1995 – SPACE, n°334, Séoul, Corée