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rencontres internationales d'architecture d'Orléans


Cinq lieux :

----------SUBSISTANCES MILITAIRES
----------COLLÉGIALE SAINT-PIERRE-LE-PUELLIER
----------FRAC CENTRE
----------MUSÉE DES BEAUX-ARTS
----------MÉDIATHÈQUE D'ORLÉANS

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1 - SITE DES SUBSISTANCES MILITAIRES---------- Architectures expérimentales 1950-2000
Collection du FRAC Centre----------11 juin au 12 octobre 2003 (fermeture en août)---------
Inauguration mardi 10 juin à 18h30, Site des Subsistances militaires, 88 rue du Collombier, Orléans

Andrault Parat - Paul Andreu - Archigram/ Peter Cook - David Greene - Architecture Principe (Parent/Virilio) - Asymptote - André Bloc - Marinus Boezem - Andrea Branzi - Constant - Chanéac - Pascal Haüsermann - Coop Himmelb(l)au - Guy Debord - Decq Cornette - Diller + Scofidio - Peter Eisenman - D.G. Emmerich - Yona Friedman - Renée Gailhoustet - Vittorio Giorgini - Michael Graves - James Guitet - Zaha Hadid - Hitsuko Hasegawa - Haus-Rucker-Co - Eilfried Huth Günter Domenig - Rem Koolhaas - Daniel Libeskind - Lotiron/Perriand - Antti Lovag - Enric Miralles - Morphosis - Eric Owen Moss - Onyx - Claude Parent - Gianni Pettena - Walter Pichler - Martin Pinchis - Ricardo Porro & Renaud de la Noue - Arthur Quarmby - Franco Raggi - Jean Renaudie - Dagmar Richter - Aldo Rossi - Guy Rottier - Michele Saee - Ionel Schein - Nicolas Schöffer - Eckhard Schulze-Fielitz - SITE/James Wines - Antoine Stinco - Pierre Székely - Bernard Tschumi - J.F. Zevaco

----------Le FRAC Centre propose, sur plus de 1 500 m2, sur le site des Subsistances militaires, un parcours à travers sa collection. Quelque 200 maquettes et 400 dessins y seront exposés. L'exposition débute, dans les années 50, avec l'artiste Constant Nieuwenhuys, auteur de New Babylon, et le groupe Espace en France, qui explorent une nouvelle forme de synthèse des arts, associant peinture, sculpture et architecture, dans le sillage du néo-plasticisme. Dans ce contexte, l'architecte Claude Parent et l'artiste Nicolas Schöffer réalisent ensemble, vers 1955, un projet d'habitat spatio-dynamique. Pour Schöffer, " le but essentiel du spatio-dynamisme est l'intégration constructive et dynamique de l'espace dans l'œuvre plastique ".

----------Architecture-sculpture
Seront présentées des œuvres de plusieurs protagonistes de l'" architecture-sculpture " en France dans les années 60 : sculptures-habitacles d'André Bloc, dont les formes libres déploient un espace topologique ; projets organiques des Cité aérienne et Cité spirituelle, de l'église du Carmel de St-Saulve, construite à Valencienne par Székely ; ou encore, le projet de maison biologique de l'artiste James Guitet. Au même moment, des architectes développent des formes biomorphiques et sculpturales, ainsi Ricardo Porro en France ou Vittorio Giorgini en Italie.

----------Monolithes
En 1968, le tout jeune architecte en chef d'Aéroports de Paris, Paul Andreu, réalise la construction de l'aérogare de Roissy I : soulevé par des pilotis, ce " globe " de béton brut, qui renvoie à la sphère terrestre, est creusé d'un cratère central qui lui apporte la lumière. Roissy I, au rythme centripète, est une forme close et monolithique, qui se ramifie en même temps tout autour à travers sept constructions satellites. Ce double mouvement de concentration-expansion, unité et dissémination, détermine une architecture complexe, l'une des plus marquantes de l'architecture contemporaine.

----------Structures spatiales
Les recherches sur la morphologie des structures de David Georges Emmerich le mènent vers 1958 aux assemblages de structures autotendantes. On retrouve la notion de " grille spatiale " dans cet espace combinatoire où les éléments de tension et de compression sont diffusés en continu à travers l'articulation d'éléments modulaires identiques. Les structures d'Emmerich rendent compte d'un univers cristallographique invisible, qui se réfère notamment aux dômes géodésiques de Buckminster Fuller, à l'étude des radiolaires de Robert Le Ricolais dans les années 1930. À la masse de l'architecture, Emmerich substitue la structure. Les structures autotendantes d'Emmerich permettent d'engendrer des habitacles ellipsoïdes, sphériques, nervurés, autostables et déplaçables. Outre de nombreuses structures autotendantes et de dessins, dans la cour des Subsistances militaires, sera exposée, une structure de plusieurs mètres d'envergure, " structure-structure " avait dit Emmerich, comme il y a de la " peinture-peinture ".

----------Villes spatiales
Le concept de mobilité est aussi mis en œuvre, en France, par Yona Friedman. À partir de recherches sur les structures spatiales, il développe un système proliférant qui procède par interpénétration de strates ou de " nappes ". En 1956, Friedman expose, pour la première fois, ses théories au CIAM de Dubrovnik (Xème Congrès International d'Architecture Moderne) et fonde en 1958 le GEAM (Groupe d'Étude d'Architecture Mobile) qui propose une mobilité potentielle de l'habitat. Ses Villes spatiales sont des villes suspendues sur pilotis, qui se répartissent sur plusieurs niveaux à partir d'une structure tridimensionnelle. L'habitant déplace librement son habitat à partir de la trame de cette grille. Les propositions de Friedman seront très influentes sur le développement de l'architecture métaboliste au Japon des années 1960/70 (Kurokawa). En Allemagne, Schulze-Fielitz expérimente à la même époque des villes spatiales tridimensionnelles, ainsi que Martin Pinchis en France. Giorgini poursuivra également ces recherches aux États-Unis. La postérité des Villes spatiales s'étend aux projets récents d'architectes ainsi ceux de MVRDV aux Pays-Bas.

----------L'architecture-cellule : Haüsermann - Chanéac - Antti Lovag
L'exploration de la mobilité en architecture dans les années 60 conduit à la définition d'un nouvel espace, fait de modularité, de prolifération et d'agglomération de cellules. Matières plastiques, coque monobloc, vont permettre à la notion d'assemblage de cellules autonomes et connectées entre elles de se déployer. Dès les années 1950, en France, les recherches sur les matériaux plastiques débouchent sur la conception d'unités d'habitations autonomes. En 1956, un jeune architecte à peine arrivé de Roumanie, Ionel Schein, expose à Paris le premier prototype d'une maison en plastique, détaché du sol comme pour mieux démontrer sa légèreté, qui connaîtra un succès phénoménal et une postérité considérable. La même année, il réalise avec ses Cabines hôtelières les premiers modules autonomes d'habitat, qui peuvent être transportés et installés n'importe où. Ce sont ensuite Pascal Haüsermann et Chanéac qui, en France et en Suisse, à partir de recherches sur les matériaux plastiques, développeront vers le début des années 1960 une architecture tout à la fois organique et modulaire constituée d'agglomération de cellules. Des prototypes de cellules de Chanéac et d'Haüsermann seront exposés dans la cour des Subsistances militaires. Le phénomène d'autoconstruction, que revendiquera Antti Lovag avec l'habitalogie, devient également la préoccupation de nombreux architectes des années 1960-70. Ce principe d'évolutivité de l'habitat, de sa mobilité, de son extrême économie de moyens, développé à travers des formes organiques, laisse à l'habitant une liberté d'adaptation dans l'extension ou la combinatoire des cellules entre elles.

----------Archigram
Cette architecture sans fondation est explorée par Arthur Quarmby et Archigram en Angleterre, qui développent des cellules proliférantes qui se " pluggent ", se branchent les unes aux autres, comme des circuits de distribution de flux. Le FRAC Centre possède, dans ses collections, deux projets-phare d'Archigram, Instant City (1969) de Peter Cook et le Living Pod (1966) de David Greene. L'efflorescence du pop art, qui s'approprie la culture populaire, la nouvelle société médiatique, l'univers électronique, la découverte de l'espace, se répercutent dans les projets d'Archigram. L'habitat devient lui-même un objet, jetable, consommable, éphémère, déclare ainsi Guy Rottier en France, dans les années 1950, qui imagine alors des villages en carton à brûler après usage. Le Living Pod de David Greene est tout à la fois un habitat mobile, une enveloppe vestimentaire, une capsule aéronautique, équipée d'un " kit " intégral. Instant City de Peter Cook est une ville nomade, qui se déplace, élément par élément, héliportée par des dirigeables ou des montgolfières. Tout se passe comme si l'intensité des flux d'informations de la nouvelle société de consommation s'infiltrait dans la ville. Instant City, la " ville instantanée ", se pose sur une ville existante, où elle crée un événement qui sera " architecture ". Pour Archigram, l'architecture doit créer une " situation ". Ville-réseau ou premier village global, Instant City n'est plus assujettie à une logique de localisation ; elle est itinérante, et suit les flux de l'événement et de la circulation de l'information. Déjà, en 1928, Buckminster Fuller avait imaginé une ville aérienne. Cette architecture-événement, qui se donne dans l'instant, pose la question : l'architecture comme objet construit est-elle encore légitime ? Vers 1968, un groupe new-yorkais, ONYX, crée ainsi la " mail architecture ", architecture n'existant que par la voie du courrier.

----------Architecture gonflable
Cette ville-dirigeable témoigne de l'importance de l'architecture pneumatique à la cette époque. En mars 1968, a lieu une exposition historique sur les structures gonflables au Musée d'Art Moderne de la Ville de Paris. Cette architecture de l'air se revendiquait, chez Archigram, comme une " non-architecture ". La mobilité prend des connotations plus sociales et politiques chez le groupe Utopie (Stinco, Jungmann et Aubert) qui, en 1968, élabore plusieurs projets d'architecture pneumatique. H.W. Müller développe lui aussi des projets d'architecture gonflable à partir de structures tridimensionnelles, tout comme Arthur Quarmby en Angleterre. Entre mobilité et habitat domestique, Lotiron/Perriand réalisent un projet de Caravane-Fleur (1967).

----------Architecture radicale en Autriche : Coop Himmelblau, Haus-Rucker-Co, Huth Domenig, Walter Pichler
Les projets des Autrichiens, Haus-Rucker-Co et Coop Himmelblau développent des architectures qui se " pluggent " elles aussi sur des bâtiments existants et se donnent comme des environnements psycho-sensoriels. Ici aussi, le matériau est l'air. Pour Coop Himmelblau, les nuages sont les symboles d'états rapidement changeants. Ils se forment et se transforment par le jeu complexe de situations différentes. L'architecture en tant que développement urbain peut être comparée à des masses nuageuses. Dans cette période d'activisme viennois, Coop Himmelblau élabore un projet d'habitat-capsule, assemblage de cellules gonflables, emblématique de l'architecture radicale, Villa Rosa. De même, Pneumacosm de Haus-Rucker-Co est une unité d'habitation gonflable, accrochée à une structure urbaine verticale, qui fonctionne comme une ampoule électrique. Dans ces projets, l'architecture se donne comme une enveloppe tout à la fois pour le corps et pour la ville, qui permet leur " respiration ", leur pulsation commune. La métaphore récurrente du " casque ", extension prothétique du corps, se retrouve dans les dessins de Walter Pichler de cette époque. En 1963, l'artiste Walter Pichler et l'architecte Hans Hollein réalisent à la galerie Nachst St Stefan à Vienne une exposition historique, " Architektur ". Pichler y présente son ultime travail d'architecture, à savoir un projet de Ville compacte, présenté pour la première fois, depuis cette date, dans l'exposition des Subsistances.

----------Mégastructures
En 1965, Huth et Domenig proposent un projet pour la ville de Ragnitz en Autriche, qui remporte en 1969 le Grand Prix d'Urbanisme et d'Architecture de Cannes, s'affirmant comme le projet le plus emblématique de " mégastructure ". La ville mégastructure se définit par sa capacité infinie d'extension, sa modularité, sa liberté de planification à travers son ossature ouverte. L'espace urbain s'y donne comme un réseau d'agglomérations, de libre implantation des cellules d'habitat. L'architecture équivaut à une infrastructure, préfabriquée industriellement, dans laquelle viennent s'intégrer les " clusters ", cellules spatiales en matière synthétique, pour les circulations et les habitations. À l'ossature primaire urbaine, se greffe la structure secondaire des enveloppes climatiques de logement.

----------La Fonction oblique : Architecture-Principe (Claude Parent - Paul Virilio)
La mobilité est aussi celle des habitants. Dans les projets d'Architecture-Principe, entre 1963 et 1968, le sol se soulève, et le plan oblique génère une architecture du déplacement. Le principe majeur de la fonction oblique est celui de la " circulation habitable ", rendue possible à travers les plans inclinés, le sol artificiel et les systèmes de rampes. Parent et Virilio parlent alors de " dérivation " dans les villes obliques. La fracture du plan détermine la fonction oblique. Dès 1966, année de la construction de l'église Ste Bernadette du Banlay à Nevers, - monolithe fracturé en béton brut -, l'architecture se transforme en " plaques topotoniques " mouvantes dont l'inclinaison incorpore le déplacement physique de l'habitant. Cette dimension gravitationnelle de l'espace a, encore aujourd'hui, des répercussions dans le développement récent des architectures cognitives, espaces artificiels animés qui interagissent avec l'habitant ou leur environnement (Nox, Oosterhuis, etc). Avant sa rencontre avec Paul Virilio, Claude Parent avait déjà exploré la fracture du plan, l'instabilité à travers le basculement de cubes ainsi qu'à travers ses premiers dessins de Turbosites et de Villes-cônes. Paul Virilio avait, quant à lui, déjà mené des recherches sur les bunkers de l'Atlantique. Tous deux fondèrent ainsi le groupe et la revue " Architecture-Principe " qui développa la fonction oblique à partir de la " topologie des surfaces orientées ". La plupart des dessins et maquettes des projets expérimentaux d'Architecture-Principe seront exposés.

----------Grilles et trames urbaines
Des villes tridimensionnelles de Pinchis aux " villes-cratères " de Chanéac, se dessine une organisation de l'espace à la quête d'un idéal égalitaire, qui se retrouvera dans les compositions géométriques complexes de l'espace chez Jean Renaudie (ville nouvelle du Vaudreuil, 1967-68) ou chez Renée Gailhoustet. La recherche d'un nouveau langage, à même de créer de la cohésion dans la diversité, à travers notamment la prolifération de trames, habitera aussi certains projets d'Andrault Parat (Lycée d'Orléans-La Source, 1968).

----------Rem Koolhaas, " New York Délire " : la grille comme inconscient urbain
Le FRAC Centre possède, entre autres, deux dessins majeurs de " NYD " : Flagrant Délit et la Ville du Globe captif, véritables icônes de l'histoire de l'architecture. Ces dessins sont des incursions narratives et fantasmatiques dans la " congestion urbaine " de Manhattan, dans le subconscient machinique de la Ville. La grille est, pour Rem Koolhaas, cet inconscient qui structure la ville. Cette prégnance de la grille se répercutera dans des projets ultérieurs de Koolhaas, tel que celui pour La Défense, en 1991, également exposé.

----------L'architecture dans son contexte : James Wines / Gianni Pettena
Le FRAC Centre a, dans ses collections, un projet construit parmi les plus publiés au monde : Indeterminate Facade de James Wines/SITE, réalisé à Houston en 1975. Ce bâtiment commercial, à la façade de briques qui paraît s'effondrer dans l'espace urbain, suspendu entre construction et démolition, pose la question du contexte, et introduit, pour la première fois dans l'architecture, de manière aussi radicale, la notion d'indétermination. James Wines parlera de ce bâtiment comme d'un " ready-made assisté ". Pour Wines, c'est le contexte qui fait l'architecture. De même, pour Gianni Pettena, qui réalise alors des projets utopiques intitulés Grass Architecture en 1971, l'architecture naît des soulèvements du sol, de la matérialisation de son propre contexte. Dans des voies différentes, Wines et Pettena tenteront de re-naturaliser l'architecture, bien avant la vogue d'une architecture écologique.

----------Architectures biomorphiques : Ricardo Porro et Michele Saee
Deux démarches, de deux générations différentes d'architectes, sont ici confrontées : celle de l'architecture antropomorphique aux racines symboliques de Ricardo Porro, à travers, entre autres, les écoles d'art et de danse de La Havane à Cuba, au début des années 60, aujourd'hui inscrites au Patrimoine mondial par l'Unesco, et les explorations corporelles de l'architecte californien Michele Saee qui, depuis les années 90, décompose le corps en mues, fragments, enveloppes successives qui se détachent telles les pièces d'un vêtement sur un corps composite et mouvant. Cette métaphore du corps organique se retrouve aussi chez Hitsuko Hasagawa (Yamanashi Museum of Fruit).

----------L'image éclectique
Deux projets emblématiques d'une architecture référentielle et post-moderne seront exposés : le célèbre Humana Building (1982-86), construit à Louisville, dans le Kentucky, par Michel Graves, assemblage éclectique de références architecturales, et le Teatro del Mondo (1979-81) d'Aldo Rossi, qui flotta sur la lagune de Venise, au classicisme post-moderne, théâtre renaissant de mémoire, qui puise ses analogies également dans l'architecture des phares ou encore dans les architectures de fête éphémères au 18e siècle.

----------Autour de la " déconstruction "
En 1988, l'exposition " Deconstructivist Architecture " réunit au MoMA (Musée d'Art Moderne) à New York, autour du philosophe français Jacques Derrida, des architectes américains et européens, parmi lesquels Frank O. Gehry, Rem Koolhaas, Eric Owen Moss, Peter Eisenman, Zaha Hadid, Bernard Tschumi et Daniel Libeskind, chacun mettant en exergue l'activité théorique et la dimension conceptuelle du projet. Ainsi, pour Peter Eisenman, il est plus urgent de penser l'architecture que de la réaliser. Depuis les années 1960, celui-ci expérimente à travers la maison son activité théorique. À ce titre, la Guardiola House (1986/88) ressort d'une architecture " textuelle ", qui emprunte à la linguistique comme à la psychanalyse. À partir du décalage de deux cubes qui s'emboîtent l'un dans l'autre, l'architecture est devenue processuelle et morphogénétique. En 1982, le projet de l'Open House de Coop Himmelblau, détache l'architecture de tout programme puisqu'il est généré par l'inconscient : un dessin les yeux fermés, telle une écriture automatique, sera le " psychogramme " du projet, sa matière brute, d'où émaneront les autres étapes du projet, formalisées par plusieurs maquettes. Ce projet, qui sera reproduit dans d'innombrables publications, deviendra emblématique de la déconstruction.
En 1983, Bernard Tschumi met en pratique son approche de la déconstruction à travers le projet du Parc de la Villette, construit à Paris. Le parc se donne dans la discontinuité, éclaté sur une grille qui distribue " points ", " lignes " et " surfaces ". Le Parc de la Villette est ainsi le premier parc urbain qui réunit une pluralité de programmes formels et fonctionnels. Proche des écrits de Derrida, Tschumi met ici en œuvre la dissémination, la contamination, la disjonction, qui font imploser toute unité préalable. Il recourt à la technique cinématographique du montage pour déployer un scénario urbain hétérogène, qui vise à la collision des fragments entre eux, programmatiques ou spatiaux. L'architecture est devenue événement.
Le projet pour Berlin, Berlin City Edge (1987) de Daniel Libeskind, architecte du Musée Juif à Berlin et du nouveau World Trade Center à New York, est l'un des plus importants projets expérimentaux de cet architecte, tout à la fois artiste, musicien, mathématicien. Berlin City Edge est une vaste exégèse de la ville. Multipliant les références, ce projet se donne comme un palimpseste urbain qui se déchiffre dans ses sédimentations complexes, empruntant autant au Talmud qu'à l'histoire de l'architecture ou à la littérature. Le " texte architectural ", tel que le nomme Libeskind, englobe tous les textes, toutes les cultures dans leur diversité et leur universalité. La collection du FRAC Centre intègre aussi des projets importants de la déconstruction californienne, principalement de maisons inviduelles (Michele Saee, Morphosis, Eric Owen Moss).

----------Architectures en mouvement
Dépassant la déconstruction, et développant une architecture tout à la fois disruptive et interconnectée, puisant dans le dynamisme et la tension des éléments, surgissent à cette époque des projets remarqués de Dagmar Richter, Odile Decq et Benoît Cornette, ou encore, Enric Miralles.

----------Slow House
Cette exposition a commencé, en prélude, avec le Guide psychogéographique (1956) de Guy E. Debord, qui morcelle l'unité de la carte pour y substituer des " unités d'ambiance " urbaine, un déplacement subjectif du piéton qui recompose lui-même l'espace urbain. Ici c'est l'itinéraire qui forme la carte. Ce collage de fragments d'un plan de Paris, vu à vol d'oiseau, expose des morceaux de carte découpée reliés par des flèches indiquant des déplacements. À l'ordre conventionnel imposé par la carte, et à son acte implicite de possession du territoire, se substituent des chemins erratiques, des atmosphères, des désordres subjectifs.L'exposition aux Subsistances militaires se terminera par le projet de la Slow House (1991) de Diller+Scofidio, qui est également la première acquisition de la collection Architecture du FRAC Centre. La Slow House ne s'inspire pas d'un objet, mais d'images plurielles, en particulier celles du film tourné à la Villa Malaparte à Capri par Jean-Luc Godard dans Le Mépris, dont elle a adopté la décélération, depuis sa porte-façade jusqu'à sa fenêtre-écran de projection, ouvrant sur l'océan. Toute forme d'habiter est ici impossible, l'occupant est investi du statut de " visiteur ", puisque la maison, de par son mouvement potentiel, empêche que l'on s'y arrête ; en dépit de son flux apparemment linéaire, son scénario est sans début ni fin, ou plutôt, la fin peut se retourner en début, et inversement. Tout n'est ici que mouvement et déambulation.Coop Himmelblau déclara : " Si nous pensons exclusivement en termes architecturaux, le résultat ne sera que de l'architecture ". L'architecture n'est plus seulement du bâti, elle est aussi une trajectoire conceptuelle, la confrontation de concepts issus de champs disciplinaires hétérogènes qui la dispensent de toute unification formelle, et l'ouvrent à son devenir.

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2 - COLLEGIALE ST PIERRE-LE-PUELLIER----------Archilab, Anticipations immédiates
Collection du FRAC Centre12 juin au 14 septembre 2003---------
Inauguration : le mercredi 11 juin 2003 à 19h, Collégiale Saint-Pierre le Puellier, Place Saint-Pierre le Puellier, Orléans

Hitoshi Abe - Actar Arquitectura - Archi-tectonics - Atelier Séraji - Avignon-Clouet - Shigeru Ban - Frédéric Borel - Pierre du Besset-Dominique Lyon - Shuhei Endo - CJ Lim - dECOi - dZO - Neil Denari - Emergent Design - Didier Faustino - François & Associés - Ian+ - Jakob+MacFarlane - Wes Jones - KolMac Studio - Tom Kovac - Kengo Kuma - Tareg Naga - Next Enterprise - Taeg Nishimoto - Marcos Novak - Nox - Ocean UK - Objectile - Oosterhuis.nl - Pauhof - Dagmar Richter - R&Sie - Servo - Smith-Miller+Hawkinson- UN Studio - Watanabe - Yoh - Yamashita - Peter Zellner

----------ArchiLab s'appuie sur l'existence des collections du FRAC Centre, tournées vers l'expérimentation en architecture, des années 50 à aujourd'hui. En l'espace de 4 ans, plus de 150 architectes différents, parmi les plus créatifs au niveau international, auront été exposés.ArchiLab est consacré à l'architecture comme questionnement de sa propre pratique. De quelle manière les architectes proposent-ils aujourd'hui de nouvelles stratégies ? Comment réagissent-ils aux nouvelles conditions économiques et culturelles, dans un contexte dorénavant mondial ? ArchiLab défend une architecture d'intervention, qui se tourne vers la définition de ses moyens, provoquant la demande plutôt que répondant à la commande. Parce que la pratique de l'architecte est devenue de plus en plus complexe, - développement des nouvelles technologies, apparition de nouveaux programmes -, ArchiLab souhaite donner une opportunité de discuter de la pratique architecturale aujourd'hui, d'ouvrir un espace critique. À travers ses expositions successives, ArchiLab est un moyen de dresser une sorte d'état des lieux de la diversité des pratiques qui animent la recherche architecturale.Technologies de l'information et de la communication, processus mondiaux de standardisation, définissent le profil d'une économie du monde, dans toute sa complexité, dans laquelle l'architecture doit s'ouvrir aux changements et aux appropriations singulières. Universalisme et contextualisme sont deux termes antinomiques qui soulèvent le paradoxe du métier de l'architecte. Une fois de plus, la question est : quelles sont aujourd'hui les pratiques contemporaines d'architectes préoccupés par leur engagement dans une communauté planétaire ?

Le FRAC Centre a acquis, au cours des dix dernières années, de nombreux projets de jeunes équipes internationales d'architectes à travers les différentes éditions d'ArchiLab (4 éditions de 1999 à 2002). Une quarantaine d'équipes sont ici présentées, qui rendent compte des recherches les plus prospectives aujourd'hui.Ainsi, pour Objectile, dECOi, ou encore, dZO, le recours aux nouvelles technologies ainsi que la prise en compte critique de la notion de " décoratif ", interroge la fondation même de la forme architecturale. Les technologies numériques ont mené à l'interrogation des limites formelles et conceptuelles de l'architecture, convergeant vers des processus hybrides de conception, que ce soit chez Kolatan et MacDonald, ou François Roche. Pour Roche, l'architecture ne peut résulter que d'un processus hybride avec son territoire, du projet de la Maison dans les arbres à la réalisation aujourd'hui d'un musée d'art à Bangkok, collectant la poussière de la ville sur son enveloppe. L'architecture naît d'un substrat complexe, de l'intégration de paramètres sensibles ou factuels. Actar Arquitectura développe ainsi le concept de " paysage opératif ", l'architecture se tissant littéralement dans la géographie de son territoire. De même, Dominique Jakob et Brendan MacFarlane affirment une position critique à l'égard du contexte, comme en témoigne leur projet en cours de réalisation de Maison en Corse, où la maison tend à la disparition en réitérant, par modélisation numérique, la topographie du site. Dans un registre expérimental, CJ Lim efface les frontières entre l'architectonique et l'environnement à travers une architecture cinétique et cinématique, ainsi son projet de Guest House, qui se transforme au gré des variations climatiques et des activités de ses habitantsLa collection du FRAC Centre comprend aussi des projets d'architecture cognitive, explorant les possibilités d'un territoire architectural interactif, ainsi le célèbre Pavillon de l'Eau douce, de Nox et de l'Eau salée d'Oosterhuis, construits aux Pays-Bas. Mutante, l'architecture est devenue un corps, où fusionnent matière et information, sujet et objet. Parmi les projets réalisés internationalement reconnus, citons encore la Maison Möbius de UN Studio (Ben van Berkel & Caroline Bos), qui se déroule en anneau de Möbius, transformant la maison en entrelacs entre intérieur et extérieur, ou encore la I-House, la maison-spirale, construite par Hitoshi Abe à Sendaï.Cette exposition souligne l'importance de la recherche dans la démarche de l'architecte, et met en avant les procédures de conception dans les phases de création.
Tous ces architectes traversent des expériences extrêmement diversifiées dans leurs aspects formels. La complexité de leurs projets et réalisations résiste à toute appropriation dogmatique, pour faire valoir la flexibilité de leurs interventions, à travers une pragmatique en acte qui élargit le domaine de compétence de l'architecture.

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3 - FRAC CENTRE----------Italie radicale : Superstudio - Archizoom - UFO - Gianni Pettena - Franco Raggi - Andrea Branzi
Collection du FRAC Centre
12 juin au 12 octobre 2003 (fermeture en août)----------
Inauguration : le mercredi 11 juin 2003 à 18h30, FRAC Centre, 12 rue de la Tour Neuve, Orléans

À la fin des années 60, Florence est le berceau de l'architecture radicale italienne. Ses protagonistes entreprennent alors une contestation de l'identité même de l'architecture. C'est le critique d'art Germano Celant qui désigne le premier par " architecture radicale " les groupes Archizoom, Superstudio, UFO, qui revendiquent une démarche iconoclaste, une pratique conceptuelle associant l'architecture aux autres arts. La forme du projet consiste ici en un instrument de confrontation avec la société, et le langage se donne comme un domaine d'investigation du projet architectural qui vise à le démystifier. L'architecture équivaut désormais à l'action, et doit en conséquence accepter la complexité du réel. Les " radicaux " italiens s'inscrivent également dans l'histoire récente du pop art, dont ils gardent la dimension subversive de l'image, tout en étant redevables au spatialisme et à Lucio Fontana. Ces architectes partagèrent aussi avec l'arte povera la pratique de l'installation, une revendication d'hétérogénéité et l'appropriation du quotidien.Cette exposition présente, entre autres, deux projets majeurs sur la ville, la grille et la disparition de l'architecture : les Histogrammes d'architecture (1969) de Superstudio et No-Stop City (1969) d'Archizoom. Provocatrices, ironiques, décapantes, les propositions de Superstudio, Archizoom, UFO, Franco Raggi, Andrea Branzi, Gianni Pettena s'en prennent à l'architecture comme " art du construire ".

Superstudio
Fondé à Florence en 1966-1967, le groupe Superstudio était composé d'Adolfo Natalini, Cristiano Toraldo di Francia, Roberto Magris, Piero Frassinelli, Alessandro Magris et, entre 1970 et 1972, Alessandro Poli. L'activité expérimentale de Superstudio est antérieure à la formation du groupe, puisqu'elle remonte à la participation d'Adolfo Natalini à la première exposition de Superarchitettura, organisée en décembre 1966 avec Branzi, Morozzi, Corretti et Deganello, les futurs fondateurs du groupe Archizoom.

Les Histogrammes d'architecture de Superstudio sont un catalogue de diagrammes tridimensionnels, à la surface homogène et isotrope. Superstudio déclara à propos des Histogrammes se référer à un design susceptible d'être transféré, de changer seulement d'échelle, explorant différents champs sémantiques, tout en restant lui-même. Intitulés également Les Tombes des architectes, les Histogrammes renvoient à " une grille sans fin dans laquelle chacun peut vivre (et mourir) sans se consumer physiquement ou spirituellement " (Superstudio) " C'est l'immutabilité qui nous intéresse, la recherche d'une image inaltérable ". Les 30 entités des " histogrammes " furent réalisées sous la forme d'éléments assemblables en laminé plastique sérigraphié. Conceptuellement, ils sont présents dans la macrodimension du Monument continu (1969-1971), structure ininterrompue qui parcourt toute la planète. La radicalité des Histogrammes de Superstudio, " véritables diagrammes élémentaires d'une architecture conceptuelle " (Andrea Branzi) consomme la disparition de la notion de qualité en architecture. Leur réticulation envahit tout, - territoire, objets de mobilier, architecture, ville. L'architecture n'est plus qu'un diagramme mental, une grille sans début ni fin.

Archizoom
Fondé à Florence en 1966 et dissous en 1974, le groupe Archizoom était composé d'Andrea Branzi, de Gilberto Corretti, de Paolo Deganello, de Massimo Morozzi et, à partir de 1968, de Dario et Lucia Bartolini. Les innovations introduites par le groupe dans le domaine du design, ainsi que son travail d'analyse et de réflexion théorique, en particulier les textes et les Radical Notes publiés par Branzi dans Casabella, ont contribué à définir un grand nombre des thématiques de l'expérimentation radicale. Certains de leurs projets trahissent une forte influence de l'iconographie du pop anglais, mais interprétée, du point de vue idéologique, sous un angle démystificateur.

Au début de l'année 1967, Archizoom travaille à la conception des Letti di sogno (Gilberto Corretti), l'opération la plus ouvertement ironique que la néo-avant-garde italienne ait jamais tentée en se servant de l'iconographie de la culture pop, utilisée idéologiquement comme un langage provocateur, aux accents critiques. Ces modèles, qui furent définis comme un " nouveau style Empire " ou comme des objets " néo-kitsch ", interrogent l'image et, à travers elle, la possibilité d'exprimer un jugement sur la civilisation de l'image. Si la forme tend vers une simplification symbolique et sacrée, la décoration est volontairement redondante, kitsch, dans l'utilisation du laminé plastique, imitant le marbre, ou dans la superposition de symboles et de signes pop empruntés à l'avant-garde figurative britannique, ou encore d'objets exotiques comme les peaux de léopard ou les animaux empaillés. Les Letti di sogno sont des micro-architectures, des projets d'intérieurs, qui se distinguent par leur force innovatrice et qui, en termes de design, répondent aux besoins comportementaux d'une génération ne supportant plus les contraintes héritées du passé.

No-Stop City (1969) (Andrea Branzi) est une utopie critique, un modèle de compréhension des phénomènes structurels de la ville et de la société, un modèle d'urbanisation globale qui est la représentation symbolique de l'état de dégradation de la métropole moderne ; le design est ici conçu comme l'outil conceptuel fondamental pour modifier la qualité de la vie et du territoire, de sorte que l'espace urbain n'est plus vu comme un ensemble de volumes architecturaux, mais comme un espace creux, rempli d'objets d'ameublement, et que la ville présente la même organisation qu'une usine ou un supermarché. " En ce sens, No-Stop City est un projet mental, ce que Hilberseimer aurait appelé une ville sans qualités ; ce n'en est pas moins une analyse radicale du projet d'architecture et de design, à travers une application jusqu'au-boutiste de ce projet rationnel dont nous annonçions la fin ; celle de l'" architecture qui n'est plus de l'architecture " comme disait Hannes Meyer, ou celles des " maisons mortes " d'Adolf Loos. Considérant l'architecture comme une catégorie intermédiaire d'organisation urbaine qu'il fallait dépasser, No-Stop City opère une liaison directe entre la métropole et les objets d'ameublement : la ville devient une succession de lits, de tables, de chaises et d'armoires, le mobilier domestique et le mobilier urbain coïncident totalement. Aux utopies qualitatives, nous répondons par la seule utopie possible : celle de la Quantité. " (Andrea Branzi)

Andrea Branzi
Après des études d'architecture à Florence, il fut parmi les fondateurs du groupe Archizoom un des principaux représentants du mouvement " radical ". Dans le contexte d'Archizoom, entre 1966 et 1969, il développe le projet de No-Stop City (1969-72). Ses essais et ses interventions critiques, en particulier les Radical Notes, publiées dans Casabella à l'époque où la revue était dirigée par Alessandro Mendini, apportèrent une contribution essentielle au débat théorique au sein du mouvement. De 1974 à 1976, il participa au premier " laboratoire d'expérimentation de la créativité de masse ", la contre-école d'architecture et de design, Global Tools. À l'époque de sa collaboration avec Archizoom, Branzi commença ses recherches dans le domaine du design en concevant les canapés Superonda (1966) et Safari (1967), ainsi que les fauteuils Mies (1969-1970) et Aeo (1973). Branzi poursuivit également une intense activité de critique. Entre 1983 et 1987, il dirigea la revue Modo, qui se distingua, durant ces années-là, par une attitude fortement critique et expérimentale. Architecte, designer, théoricien, critique, Andrea Branzi mène, depuis plus de trente ans, une recherche protéiforme, au sein de laquelle il explore le langage commun à l'objet, à l'architecture, l'urbanisme et l'environnement.

Autoritratto (1968), réalisé à l'époque de sa collaboration avec Archizoom, est un projet présenté à Interlaken (Suisse) qui reprend un grand nombre des thématiques du groupe florentin, qui, à cette époque, s'engageait, avec les Gazebi, dans une remise en question radicale de la culture et de l'architecture. Dans Autoportrait, le passage du langage pop à une " opération de composition élémentaire ", caractéristique des Gazebi, est moins visible, puisque le projet trouve aussi son équilibre formel dans l'hétérogénéité des représentations ; mais ici aussi, l'ironie et les références à la culture alternative se présentent comme des formes de rupture avec les certitudes de la discipline.

Gianni Pettena
Gianni Pettena fut, à la fin des années soixante, un des représentants de " l'architecture radicale ", et fit ensuite partie des fondateurs de la Global Tools, contre-école d'architecture et de design (Milan, 1974-1976). Tout à la fois artiste, architecte et designer, critique et historien de l'architecture, organisateur d'expositions et enseignant, Gianni Pettena apparaît comme un artiste, recourant au langage de l'architecture, et comme un architecte s'appropriant les logiques artistiques, ne cessant de se déplacer d'un champ à l'autre. Refusant les frontières entre les disciplines, il se définit aussi comme un " anarchitecte " (1973). L'" anarchitecte " est celui pour qui " parler d'architecture est une métaphore pour parler d'une condition créatrice qui était destinée à faire de l'architecture, mais qui aboutit à faire de l'art. " En 1971, il obtint le premier prix du réputé concours Trigon à Graz avec le projet Grass Architecture (coll. FRAC Centre, expo. Subsistances) et Imprisonment (expo. Frac Centre) qui démystifie et re-naturalise le motif moderniste de la grille. Son travail expérimental des années 70 se situe au croisement de l'art conceptuel et du Land Art. Dans la démarche de Pettena, les idées sont toujours renvoyées à leur expérimentation physique, confrontées à l'échelle du corps et à celle du contexte, naturel ou urbain. Pettena croît en la portée conceptuelle de l'architecture comme recherche conjointe sur le langage et sur l'espace physique. Il ne cessa d'explorer la relation entre nature et architecture, tout comme son ami, James Wines, du groupe SITE. Sa maison, sa " cabine " sur l'Ile d'Elbe, work in progress depuis 1978, se donne dans la nature comme une sorte d'" architecture non-consciente ".

UFO
Fondé en 1967, au moment où le mouvement étudiant de contestation secouait la Faculté d'architecture de Florence, le groupe UFO figure parmi les fondateurs de la mouvance " radicale " italienne. À l'origine, il réunissait Lapo Binazzi, Riccardo Foresi, Titti Maschietto, Carlo Bachi et Patrizia Cammeo. Ce n'est qu'en 1968 que Sandro Gioli, Massimo Giovannini et Mario Spinella rejoignirent le groupe. Par des " événements de déstabilisation des mythes et des rites socio-urbains architecturaux ", UFO entendait opérer une spectacularisation de l'architecture dans l'espoir de la transformer en événement, en action de " guérilla " urbaine et environnementale. Ainsi naquirent les Urbo-éphémères (1968), les Maisons Anas (1970) et le Tour d'Italie (1971), des œuvres où s'exprimait la prise de conscience de l'impossibilité et de l'impraticabilité conceptuelle dans la réalité de la société capitaliste. À cette condition d'aliénation, UFO proposait de substituer le comportement créatif et la libération de l'imagination, en étendant le champ de l'architecture au-delà de ses tâches circonscrites et en élargissant les niveaux d'intervention par le recours aux nouvelles techniques et aux répertoires linguistiques les plus radicaux. En 1973, le groupe UFO figura parmi les représentants du mouvement radical qui furent à l'origine de Global Tools, école de techniques naturelles et de design alternatif. Dans le débat animé des années 1970, ils participèrent à un grand nombre d'expositions, de spectacles et de concours, tout en collaborant, par leurs textes et leur travail de documentation, aux principales revues d'art et d'architecture. À partir de 1972, les activités du groupe, qui se poursuivirent sous diverses formes jusqu'en 1978, furent dirigées par Lapo Binazzi.Le Manifeste du discontinu est un texte-visuel sur les thèmes de la discontinuité, " une anticipation des thèses sur la fin de l'histoire, du lien entre architecture et archéologie du futur, entre architecture et prophéties ". En mettant en relation des faits apparemment éloignés et en abolissant toute référence à des langages formels " reconnaissables ", la " discontinuité " provoque l'insertion et la coexistence d'actions différentes, ce qui permet d'élargir le signe artistique au-delà des lieux communs de l'institution et de se réapproprier individuellement et collectivement le processus créatif. Avec l'intention précise d'accomplir un travail de dénonciation, d'information et de provocation, le groupe UFO concentra son attention sur la question de la linguistique, en procédant à une analyse systématique de la communication visuelle. L'art se dissout dans la réalité, la vie se transforme en art et le projet est fondé sur les aspects perceptifs, dynamiques et sensoriels de l'expérience.

Franco Raggi
Architecte, Raggi fit ses études à l'École polytechnique de Milan. Il est ensuite appelé par Alessandro Mendini pour faire partie de la rédaction de Casabella. C'est à cette époque, entre 1971 et 1975, qu'il fréquenta, comme auteur et comme théoricien, les avant-gardes de l'architecture radicale européenne et américaine, tout en prenant une part active au travail expérimental de la revue Casabella, qui, sous la direction de Mendini, posait de nouvelles problématiques conceptuelles et s'interrogeait sur leur version en images. En 1973, Franco Raggi fut chargé, avec Aldo Rossi et Massimo Scolari, de coordonner la section internationale d'architecture de la XVe Triennale de Milan. Cette intense activité de critique, illustrée en particulier par ses articles " récapitulatifs " consacrés au mouvement " radical " dans Casabella (" Radical Story ", 1973 ; " Vienna Orchestra ", 1974), témoigne de l'attention et de la curiosité qu'il portait à tout élément susceptible de caractériser le paysage complexe de la recherche de l'époque. Au même moment, ses dessins manifestèrent la volonté de transgresser toutes les conventions linguistiques. En se servant du paradoxe et de l'ironie, ses compositions associent et superposent des éléments conventionnels et des " corps étrangers ", une caractéristique qui se retrouve aussi dans l'installation Tente rouge (1974-75 ; expo Subsistances) et dans la lampe La Classica (1975), application du même motif au domaine du design. Rédacteur en chef de la revue Modo à partir de 1977, il en fut ensuite le directeur, de 1981 à 1983.

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4 - MUSEE DES BEAUX-ARTS D'ORLEANS----------Eilfried Huth Günther Domenig
Collection du FRAC Centre
13 juin au 21 septembre 2003----------
Inauguration : le jeudi 12 juin 2003 à 19h, Musée des Beaux-Arts d'Orléans, Place Sainte-Croix Orléans

Cette exposition monographique des architectes Günther Domenig (1934) et Eilfried Huth (1930), travaillant à Graz en Autriche, présente, pour la première fois, un ensemble unique de dessins, maquettes et installations de projets historiques dans le contexte européen de l'architecture radicale de la fin des années 60 (l'architecture gonflable avec Trigon ; la mégastructure Ragnitz ; l'installation environnementale Medium Total ; les explorations biomorphiques de Floraskin). En 1968, l'architecte et critique, Günther Feuerstein, présente à Vienne " Urban Fiction " qui réunit les démarches les plus novatrices de cette époque. Huth et Domenig explorent alors les potentialités de l'architecture pneumatique, tout comme Coop Himmelblau et Haus-Rucker-Co en Autriche. Ils réalisent dans ce contexte un premier bâtiment d'exposition gonflable pour la manifestation Trigon à Graz en 1967. Dans les expérimentations spatiales de Huth et Domenig, l'architecture prend la forme d'un organisme vivant et biologique, en perpétuelle mutation (Floraskin) ou s'étend en cellules " proliférantes " à travers les mégastructures (Ragnitz).

En 1965, ils réalisent avec Ragnitz un projet majeur dans l'histoire de l'architecture contemporaine, reconnu en tant que tel par le critique anglais Reyner Banham dans son ouvrage sur les mégastructures, publié en 1976. Ils remportent en effet, en 1969, le concours d'Urbanisme et d'Architecture à Cannes avec ce projet de mégastructure pour la ville de Ragnitz, devant un jury composé notamment de Louis Kahn et de Robert Le Ricolais. Par sa complexité, son ampleur, sa radicalité, Ragnitz s'affirme comme l'un des projets les plus aboutis de mégastructure, après les Villes spatiales de Yona Friedman dès 1958 et avant des réalisations telles que le Centre Pompidou à Paris de Piano & Rogers, dans les années 70. La ville mégastructure se définit par sa capacité infinie d'extension, sa modularité, sa liberté de planification à travers son ossature ouverte. L'espace urbain devient un réseau d'agglomérations, de libre implantation des cellules d'habitat. L'architecture équivaut à une infrastructure, préfabriquée industriellement, dans laquelle viennent s'intégrer les " clusters ", cellules spatiales en matière synthétique, pour les circulations et les habitations. À l'ossature primaire urbaine, se greffe la structure secondaire des enveloppes climatiques de logement. Dans cet " habitat urbain industrialisé ", l'architecture fournit un " approvisionnement sensoriel et biologique ".
Dans Medium Total (1969-70), qu'ils qualifient de " projet utopique ", l'architecture se transforme en organisme biologique mutant, corps tout à la fois rétractile et ductile, selon les conditions de son environnement. Medium Total est un paysage urbain innervé, captant les énergies vitalistes de son environnement, " un médium qui s'auto-entretiendrait, se régénèrerait et s'adapterait " (Huth Domenig). Cette installation fut montrée pour la première fois à la galerie Nächst St. Stefan à Vienne en 1970, avant d'être " réactivée " lors de cette exposition organisée par le FRAC Centre au Musée des Beaux-Arts d'Orléans. Domenig et Huth exploitèrent dans Medium Total l'idée d'une enveloppe biologique, qui se retrouvera dans d'autres de leurs projets, et qui inspirera par la suite toute une conception évolutive de l'architecture au sein de son environnement.Floraskin (1971), avec Christo et Haus-Rucker-Co, est un projet pour un lieu de villégiature au Maroc, à partir d'une structure métallique hexagonale sur laquelle vient se greffer une enveloppe végétale climatique. Cette gaine végétale artificielle et climatisée avec des plantations irriguées devait transformer les bâtiments en une structure organique et verdoyante. Peau végétale, Floraskin est une membrane qui peut s'adapter à toutes les formes de paysage. La démarche expérimentale de Huth et Domenig acte ainsi une mutation décisive, caractéristique de l'architecture radicale de cette époque : l'architecture devient un champ cognitif, sensoriel ; elle quitte son statut figé d'objet pour se transfigurer en environnement.

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5 - MEDIATHEQUE D'ORLEANS----------Dominique Perrault : Bibliothèque Nationale de France (1989-95)
Collection du FRAC Centre13 juin au 6 septembre 2003----------
Inauguration : le jeudi 12 juin 2003 à 18h, Médiathèque d'Orléans, 1 place Gambetta, Orléans

C'est en remportant le concours international lancé par François Mitterrand pour la Bibliothèque Nationale de France en 1989 que Dominique Perrault (1953) s'impose comme l'une des figures montantes de sa génération. Son travail, qu'il dit davantage inspiré de Mies van der Rohe et de Louis I. Kahn que de Le Corbusier, se rapproche d'une sensibilité minimaliste qui confine à la notion de disparition en architecture. Opacité et transparence, monumentalité et échelle humaine, son architecture se place toujours entre absence et présence. L'utilisation de volumes primaires - le cube (Fondation Pinault), les parallélépipèdes (BNF, Hôtel Berlier), un vaste plan incliné de 300 m de long (ESIEE), un cercle (Vélodrome de Berlin), ou un carré (Piscine de Berlin), etc. - clarifiant la lecture et l'importance de la symétrie, vont dans le sens d'une quête de l'unité formelle, en opposition à l'idée de fracture en architecture. Des tissages de PVC indéformables de l'ESIEE aux 30 000 m2 de tissages métalliques de la Bibliothèque Nationale de France évoquant des cottes de maille, qui diffractent la lumière, le voile métallique se fait aussi bien habillage (BNF), enveloppe (Fondation Pinault), que couverture (piscine et vélodrome de Berlin). Cette recherche, invention d'une matière à la fois discursive et sensitive, est également une " sophistication technique ", conférant à l'édifice une certaine abstraction. Parallèlement aux implantations inattendues comme celle d'un immeuble de bureaux (Hôtel industriel Berlier, où il installe son agence) aux marges de la ville, entre périphérique et voie ferrée, et aux cadrages urbains comme ceux qu'offre la Bibliothèque Nationale de France, Perrault puise également dans les ressources de la nature. Si le morceau de forêt de la Bibliothèque Nationale de France est l'image la plus connue, Perrault joue encore sur les notions de virginité/artificialité de la nature, transplantant telle une opération chirurgicale, des pommiers normands en plein cœur de Berlin, intervention derrière laquelle disparaît une fois de plus l'architecture, à savoir une piscine et un vélodrome. Constituées de verre extérieur collé, les parois de BNF suscitent l'illusion de dématérialisation. La trame répétitive de la Bibliothèque, qui cinétise les surfaces dans un jeu de diffraction de la lumière, renvoie à la multiplication des éléments du savoir de ce lieu d'apprentissage et de développement de la connaissance. Au milieu des quatre tours, l'entrée est matérialisée par les parois d'inox des escaliers extérieurs permettant de pénétrer dans le lieu. L'esplanade surplombe un jardin - non accessible au public -, transplantation d'un véritable morceau de forêt qui intègre la nature en plein cœur de la ville. Au désordre de ce jardin-forêt répond la linéarité et la régularité du bâtiment, volume cubique à l'évidement central qui évoque l'univers des cloîtres. Dominique Perrault est l'un des premiers architectes en France à s'être approprié la géographie du territoire comme matériau premier de son architecture. À la froideur du béton brut, de l'acier tressé et du verre, Perrault oppose la chaleur et la préciosité d'un bois omniprésent, souligné par une moquette de couleur chaude courant le long des espaces de distribution. Si la référence à Mies van der Rohe est évidente dans l'écriture " minimaliste " et les qualités urbaines du projet, elle ne l'est pas moins dans le soin apporté aux détails et à la finition, tous les éléments de la Bibliothèque ayant été étudiés et dessinés par l'architecte lui-même. Cette exposition retrace la genèse du projet de la Bibliothèque Nationale de France, l'un des plus radicaux construits en France, à travers maquettes et dessins. Les innombrables recherches graphiques et iconographiques, menées par l'architecte à travers ses carnets de croquis, témoignent de toute la complexité des champs de référence convoqués, esthétiques et historiques, et retracent un long cheminement d'exploration spatiale autour de la notion de vide et de présence/absence.
Dominique Perrault affirma : " Les artistes ont déclaré un jour la mort de l'art, il est temps que les architectes fassent apparaître la disparition, la dissolution et l'effacement de l'architecture au profit d'un regard qui mêle et emmêle ville et nature, pour mettre en œuvre un paysage sans exclusion fait de tout et pour tous, un chaos positif ".