Cinq lieux :
----------SUBSISTANCES
MILITAIRES
----------COLLÉGIALE SAINT-PIERRE-LE-PUELLIER
----------FRAC
CENTRE
----------MUSÉE DES BEAUX-ARTS
----------MÉDIATHÈQUE D'ORLÉANS
^ ^ ^
1
- SITE DES SUBSISTANCES MILITAIRES---------- Architectures expérimentales
1950-2000
Collection du FRAC Centre----------11 juin au 12 octobre 2003 (fermeture
en août)---------
Inauguration mardi 10 juin à 18h30, Site
des Subsistances militaires, 88 rue du Collombier, Orléans
Andrault
Parat - Paul Andreu - Archigram/ Peter Cook - David Greene - Architecture
Principe (Parent/Virilio) - Asymptote - André Bloc -
Marinus Boezem - Andrea Branzi - Constant - Chanéac - Pascal
Haüsermann - Coop Himmelb(l)au - Guy Debord - Decq Cornette
- Diller + Scofidio - Peter Eisenman - D.G. Emmerich - Yona Friedman
- Renée Gailhoustet - Vittorio Giorgini - Michael Graves
- James Guitet - Zaha Hadid - Hitsuko
Hasegawa - Haus-Rucker-Co
- Eilfried
Huth Günter Domenig - Rem
Koolhaas - Daniel
Libeskind - Lotiron/Perriand - Antti Lovag - Enric Miralles
- Morphosis - Eric Owen Moss - Onyx - Claude
Parent - Gianni Pettena - Walter Pichler - Martin Pinchis -
Ricardo
Porro & Renaud de la Noue - Arthur Quarmby - Franco
Raggi - Jean Renaudie - Dagmar Richter - Aldo Rossi - Guy Rottier
- Michele Saee - Ionel
Schein - Nicolas Schöffer - Eckhard Schulze-Fielitz - SITE/James
Wines - Antoine Stinco - Pierre Székely - Bernard
Tschumi - J.F. Zevaco |
----------Le
FRAC Centre propose, sur plus de 1 500 m2, sur le site des Subsistances
militaires, un parcours à travers sa collection. Quelque 200 maquettes
et 400 dessins y seront exposés. L'exposition débute, dans
les années 50, avec l'artiste Constant Nieuwenhuys, auteur de New
Babylon, et le groupe Espace en France, qui explorent une nouvelle forme
de synthèse des arts, associant peinture, sculpture et architecture,
dans le sillage du néo-plasticisme. Dans ce contexte, l'architecte
Claude Parent et l'artiste Nicolas Schöffer réalisent ensemble,
vers 1955, un projet d'habitat spatio-dynamique. Pour Schöffer, "
le but essentiel du spatio-dynamisme est l'intégration constructive
et dynamique de l'espace dans l'uvre plastique ".
----------Architecture-sculpture
Seront présentées des uvres de plusieurs protagonistes
de l'" architecture-sculpture " en France dans les années
60 : sculptures-habitacles d'André Bloc, dont les formes libres
déploient un espace topologique ; projets organiques des Cité
aérienne et Cité spirituelle, de l'église du Carmel
de St-Saulve, construite à Valencienne par Székely ; ou
encore, le projet de maison biologique de l'artiste James Guitet. Au même
moment, des architectes développent des formes biomorphiques et
sculpturales, ainsi Ricardo Porro en France ou Vittorio Giorgini en Italie.
----------Monolithes
En 1968, le tout jeune architecte en chef d'Aéroports de Paris,
Paul Andreu, réalise la construction de l'aérogare de Roissy
I : soulevé par des pilotis, ce " globe " de béton
brut, qui renvoie à la sphère terrestre, est creusé
d'un cratère central qui lui apporte la lumière. Roissy
I, au rythme centripète, est une forme close et monolithique, qui
se ramifie en même temps tout autour à travers sept constructions
satellites. Ce double mouvement de concentration-expansion, unité
et dissémination, détermine une architecture complexe, l'une
des plus marquantes de l'architecture contemporaine.
----------Structures
spatiales
Les recherches sur la morphologie des structures de David Georges Emmerich
le mènent vers 1958 aux assemblages de structures autotendantes.
On retrouve la notion de " grille spatiale " dans cet espace
combinatoire où les éléments de tension et de compression
sont diffusés en continu à travers l'articulation d'éléments
modulaires identiques. Les structures d'Emmerich rendent compte d'un univers
cristallographique invisible, qui se réfère notamment aux
dômes géodésiques de Buckminster Fuller, à
l'étude des radiolaires de Robert Le Ricolais dans les années
1930. À la masse de l'architecture, Emmerich substitue la structure.
Les structures autotendantes d'Emmerich permettent d'engendrer des habitacles
ellipsoïdes, sphériques, nervurés, autostables et déplaçables.
Outre de nombreuses structures autotendantes et de dessins, dans la cour
des Subsistances militaires, sera exposée, une structure de plusieurs
mètres d'envergure, " structure-structure " avait dit
Emmerich, comme il y a de la " peinture-peinture ".
----------Villes
spatiales
Le concept de mobilité est aussi mis en uvre, en France,
par Yona Friedman. À partir de recherches sur les structures spatiales,
il développe un système proliférant qui procède
par interpénétration de strates ou de " nappes ".
En 1956, Friedman expose, pour la première fois, ses théories
au CIAM de Dubrovnik (Xème Congrès International d'Architecture
Moderne) et fonde en 1958 le GEAM (Groupe d'Étude d'Architecture
Mobile) qui propose une mobilité potentielle de l'habitat. Ses
Villes spatiales sont des villes suspendues sur pilotis, qui se répartissent
sur plusieurs niveaux à partir d'une structure tridimensionnelle.
L'habitant déplace librement son habitat à partir de la
trame de cette grille. Les propositions de Friedman seront très
influentes sur le développement de l'architecture métaboliste
au Japon des années 1960/70 (Kurokawa). En Allemagne, Schulze-Fielitz
expérimente à la même époque des villes spatiales
tridimensionnelles, ainsi que Martin Pinchis en France. Giorgini poursuivra
également ces recherches aux États-Unis. La postérité
des Villes spatiales s'étend aux projets récents d'architectes
ainsi ceux de MVRDV aux Pays-Bas.
----------L'architecture-cellule
: Haüsermann - Chanéac
- Antti Lovag
L'exploration de la mobilité en architecture dans les années
60 conduit à la définition d'un nouvel espace, fait de modularité,
de prolifération et d'agglomération de cellules. Matières
plastiques, coque monobloc, vont permettre à la notion d'assemblage
de cellules autonomes et connectées entre elles de se déployer.
Dès les années 1950, en France, les recherches sur les matériaux
plastiques débouchent sur la conception d'unités d'habitations
autonomes. En 1956, un jeune architecte à peine arrivé de
Roumanie, Ionel
Schein, expose à Paris le premier prototype d'une maison en
plastique, détaché du sol comme pour mieux démontrer
sa légèreté, qui connaîtra un succès
phénoménal et une postérité considérable.
La même année, il réalise avec ses Cabines hôtelières
les premiers modules autonomes d'habitat, qui peuvent être transportés
et installés n'importe où. Ce sont ensuite Pascal Haüsermann
et Chanéac qui, en France et en Suisse, à partir de recherches
sur les matériaux plastiques, développeront vers le début
des années 1960 une architecture tout à la fois organique
et modulaire constituée d'agglomération de cellules. Des
prototypes de cellules de Chanéac et d'Haüsermann seront exposés
dans la cour des Subsistances militaires. Le phénomène d'autoconstruction,
que revendiquera Antti Lovag avec l'habitalogie, devient également
la préoccupation de nombreux architectes des années 1960-70.
Ce principe d'évolutivité de l'habitat, de sa mobilité,
de son extrême économie de moyens, développé
à travers des formes organiques, laisse à l'habitant une
liberté d'adaptation dans l'extension ou la combinatoire des cellules
entre elles.
----------Archigram
Cette architecture sans fondation est explorée par Arthur Quarmby
et Archigram en Angleterre, qui développent des cellules proliférantes
qui se " pluggent ", se branchent les unes aux autres, comme
des circuits de distribution de flux. Le FRAC Centre possède, dans
ses collections, deux projets-phare d'Archigram, Instant City (1969) de
Peter Cook et le Living Pod (1966) de David Greene. L'efflorescence du
pop art, qui s'approprie la culture populaire, la nouvelle société
médiatique, l'univers électronique, la découverte
de l'espace, se répercutent dans les projets d'Archigram. L'habitat
devient lui-même un objet, jetable, consommable, éphémère,
déclare ainsi Guy Rottier en France, dans les années 1950,
qui imagine alors des villages en carton à brûler après
usage. Le Living Pod de David Greene est tout à la fois un habitat
mobile, une enveloppe vestimentaire, une capsule aéronautique,
équipée d'un " kit " intégral. Instant
City de Peter Cook est une ville nomade, qui se déplace, élément
par élément, héliportée par des dirigeables
ou des montgolfières. Tout se passe comme si l'intensité
des flux d'informations de la nouvelle société de consommation
s'infiltrait dans la ville. Instant City, la " ville instantanée
", se pose sur une ville existante, où elle crée un
événement qui sera " architecture ". Pour Archigram,
l'architecture doit créer une " situation ". Ville-réseau
ou premier village global, Instant City n'est plus assujettie à
une logique de localisation ; elle est itinérante, et suit les
flux de l'événement et de la circulation de l'information.
Déjà, en 1928, Buckminster Fuller avait imaginé une
ville aérienne. Cette architecture-événement, qui
se donne dans l'instant, pose la question : l'architecture comme objet
construit est-elle encore légitime ? Vers 1968, un groupe new-yorkais,
ONYX, crée ainsi la " mail architecture ", architecture
n'existant que par la voie du courrier.
----------Architecture
gonflable
Cette ville-dirigeable témoigne de l'importance de l'architecture
pneumatique à la cette époque. En mars 1968, a lieu une
exposition historique sur les structures gonflables au Musée d'Art
Moderne de la Ville de Paris. Cette architecture de l'air se revendiquait,
chez Archigram, comme une " non-architecture ". La mobilité
prend des connotations plus sociales et politiques chez le groupe Utopie
(Stinco, Jungmann et Aubert) qui, en 1968, élabore plusieurs projets
d'architecture pneumatique. H.W. Müller développe lui aussi
des projets d'architecture gonflable à partir de structures tridimensionnelles,
tout comme Arthur Quarmby en Angleterre. Entre mobilité et habitat
domestique, Lotiron/Perriand réalisent un projet de Caravane-Fleur
(1967).
----------Architecture
radicale en Autriche : Coop
Himmelblau, Haus-Rucker-Co, Huth
Domenig, Walter Pichler
Les projets des Autrichiens, Haus-Rucker-Co et Coop Himmelblau développent
des architectures qui se " pluggent " elles aussi sur des bâtiments
existants et se donnent comme des environnements psycho-sensoriels. Ici
aussi, le matériau est l'air. Pour Coop Himmelblau, les nuages
sont les symboles d'états rapidement changeants. Ils se forment
et se transforment par le jeu complexe de situations différentes.
L'architecture en tant que développement urbain peut être
comparée à des masses nuageuses. Dans cette période
d'activisme viennois, Coop Himmelblau élabore un projet d'habitat-capsule,
assemblage de cellules gonflables, emblématique de l'architecture
radicale, Villa Rosa. De même, Pneumacosm de Haus-Rucker-Co est
une unité d'habitation gonflable, accrochée à une
structure urbaine verticale, qui fonctionne comme une ampoule électrique.
Dans ces projets, l'architecture se donne comme une enveloppe tout à
la fois pour le corps et pour la ville, qui permet leur " respiration
", leur pulsation commune. La métaphore récurrente
du " casque ", extension prothétique du corps, se retrouve
dans les dessins de Walter Pichler de cette époque. En 1963, l'artiste
Walter Pichler et l'architecte Hans Hollein réalisent à
la galerie Nachst St Stefan à Vienne une exposition historique,
" Architektur ". Pichler y présente son ultime travail
d'architecture, à savoir un projet de Ville compacte, présenté
pour la première fois, depuis cette date, dans l'exposition des
Subsistances.
----------Mégastructures
En 1965, Huth
et Domenig proposent un projet pour la ville de Ragnitz en Autriche,
qui remporte en 1969 le Grand Prix d'Urbanisme et d'Architecture de Cannes,
s'affirmant comme le projet le plus emblématique de " mégastructure
". La ville mégastructure se définit par sa capacité
infinie d'extension, sa modularité, sa liberté de planification
à travers son ossature ouverte. L'espace urbain s'y donne comme
un réseau d'agglomérations, de libre implantation des cellules
d'habitat. L'architecture équivaut à une infrastructure,
préfabriquée industriellement, dans laquelle viennent s'intégrer
les " clusters ", cellules spatiales en matière synthétique,
pour les circulations et les habitations. À l'ossature primaire
urbaine, se greffe la structure secondaire des enveloppes climatiques
de logement.
----------La
Fonction oblique : Architecture-Principe (Claude Parent - Paul Virilio)
La mobilité est aussi celle des habitants. Dans les projets d'Architecture-Principe,
entre 1963 et 1968, le sol se soulève, et le plan oblique génère
une architecture du déplacement. Le principe majeur de la fonction
oblique est celui de la " circulation habitable ", rendue possible
à travers les plans inclinés, le sol artificiel et les systèmes
de rampes. Parent et Virilio parlent alors de " dérivation
" dans les villes obliques. La fracture du plan détermine
la fonction oblique. Dès 1966, année de la construction
de l'église Ste Bernadette du Banlay à Nevers, - monolithe
fracturé en béton brut -, l'architecture se transforme en
" plaques topotoniques " mouvantes dont l'inclinaison incorpore
le déplacement physique de l'habitant. Cette dimension gravitationnelle
de l'espace a, encore aujourd'hui, des répercussions dans le développement
récent des architectures cognitives, espaces artificiels animés
qui interagissent avec l'habitant ou leur environnement (Nox, Oosterhuis,
etc). Avant sa rencontre avec Paul Virilio, Claude Parent avait déjà
exploré la fracture du plan, l'instabilité à travers
le basculement de cubes ainsi qu'à travers ses premiers dessins
de Turbosites et de Villes-cônes. Paul Virilio avait, quant à
lui, déjà mené des recherches sur les bunkers de
l'Atlantique. Tous deux fondèrent ainsi le groupe et la revue "
Architecture-Principe " qui développa la fonction oblique
à partir de la " topologie des surfaces orientées ".
La plupart des dessins et maquettes des projets expérimentaux d'Architecture-Principe
seront exposés.
----------Grilles
et trames urbaines
Des villes tridimensionnelles de Pinchis aux " villes-cratères
" de Chanéac, se dessine une organisation de l'espace à
la quête d'un idéal égalitaire, qui se retrouvera
dans les compositions géométriques complexes de l'espace
chez Jean Renaudie (ville nouvelle du Vaudreuil, 1967-68) ou chez Renée
Gailhoustet. La recherche d'un nouveau langage, à même de
créer de la cohésion dans la diversité, à
travers notamment la prolifération de trames, habitera aussi certains
projets d'Andrault Parat (Lycée d'Orléans-La Source, 1968).
----------Rem
Koolhaas, " New York Délire " : la grille comme inconscient
urbain
Le FRAC Centre possède, entre autres, deux dessins majeurs de "
NYD " : Flagrant Délit et la Ville du Globe captif, véritables
icônes de l'histoire de l'architecture. Ces dessins sont des incursions
narratives et fantasmatiques dans la " congestion urbaine "
de Manhattan, dans le subconscient machinique de la Ville. La grille est,
pour Rem Koolhaas, cet inconscient qui structure la ville. Cette prégnance
de la grille se répercutera dans des projets ultérieurs
de Koolhaas, tel que celui pour La Défense, en 1991, également
exposé.
----------L'architecture
dans son contexte : James
Wines / Gianni Pettena
Le FRAC Centre a, dans ses collections, un projet construit parmi les
plus publiés au monde : Indeterminate Facade de James Wines/SITE,
réalisé à Houston en 1975. Ce bâtiment commercial,
à la façade de briques qui paraît s'effondrer dans
l'espace urbain, suspendu entre construction et démolition, pose
la question du contexte, et introduit, pour la première fois dans
l'architecture, de manière aussi radicale, la notion d'indétermination.
James Wines parlera de ce bâtiment comme d'un " ready-made
assisté ". Pour Wines, c'est le contexte qui fait l'architecture.
De même, pour Gianni Pettena, qui réalise alors des projets
utopiques intitulés Grass Architecture en 1971, l'architecture
naît des soulèvements du sol, de la matérialisation
de son propre contexte. Dans des voies différentes, Wines et Pettena
tenteront de re-naturaliser l'architecture, bien avant la vogue d'une
architecture écologique.
----------Architectures biomorphiques : Ricardo
Porro et Michele Saee
Deux démarches, de deux générations différentes
d'architectes, sont ici confrontées : celle de l'architecture antropomorphique
aux racines symboliques de Ricardo Porro, à travers, entre autres,
les écoles d'art et de danse de La Havane à Cuba, au début
des années 60, aujourd'hui inscrites au Patrimoine mondial par
l'Unesco, et les explorations corporelles de l'architecte californien
Michele Saee qui, depuis les années 90, décompose le corps
en mues, fragments, enveloppes successives qui se détachent telles
les pièces d'un vêtement sur un corps composite et mouvant.
Cette métaphore du corps organique se retrouve aussi chez Hitsuko
Hasagawa (Yamanashi Museum of Fruit).
----------L'image
éclectique
Deux projets emblématiques d'une architecture référentielle
et post-moderne seront exposés : le célèbre Humana
Building (1982-86), construit à Louisville, dans le Kentucky, par
Michel Graves, assemblage éclectique de références
architecturales, et le Teatro del Mondo (1979-81) d'Aldo Rossi, qui flotta
sur la lagune de Venise, au classicisme post-moderne, théâtre
renaissant de mémoire, qui puise ses analogies également
dans l'architecture des phares ou encore dans les architectures de fête
éphémères au 18e siècle.
----------Autour
de la " déconstruction "
En 1988, l'exposition " Deconstructivist Architecture " réunit
au MoMA (Musée d'Art Moderne) à New York, autour du philosophe
français Jacques Derrida, des architectes américains et
européens, parmi lesquels Frank O. Gehry, Rem
Koolhaas, Eric Owen Moss, Peter
Eisenman, Zaha Hadid, Bernard
Tschumi et Daniel
Libeskind, chacun mettant en exergue l'activité théorique
et la dimension conceptuelle du projet. Ainsi, pour Peter Eisenman, il
est plus urgent de penser l'architecture que de la réaliser. Depuis
les années 1960, celui-ci expérimente à travers la
maison son activité théorique. À ce titre, la Guardiola
House (1986/88) ressort d'une architecture " textuelle ", qui
emprunte à la linguistique comme à la psychanalyse. À
partir du décalage de deux cubes qui s'emboîtent l'un dans
l'autre, l'architecture est devenue processuelle et morphogénétique.
En 1982, le projet de l'Open
House de Coop Himmelblau, détache l'architecture de tout programme
puisqu'il est généré par l'inconscient : un dessin
les yeux fermés, telle une écriture automatique, sera le
" psychogramme " du projet, sa matière brute, d'où
émaneront les autres étapes du projet, formalisées
par plusieurs maquettes. Ce projet, qui sera reproduit dans d'innombrables
publications, deviendra emblématique de la déconstruction.
En 1983, Bernard Tschumi met en pratique son approche de la déconstruction
à travers le projet du Parc de la Villette, construit à
Paris. Le parc se donne dans la discontinuité, éclaté
sur une grille qui distribue " points ", " lignes "
et " surfaces ". Le Parc de la Villette est ainsi le premier
parc urbain qui réunit une pluralité de programmes formels
et fonctionnels. Proche des écrits de Derrida, Tschumi met ici
en uvre la dissémination, la contamination, la disjonction,
qui font imploser toute unité préalable. Il recourt à
la technique cinématographique du montage pour déployer
un scénario urbain hétérogène, qui vise à
la collision des fragments entre eux, programmatiques ou spatiaux. L'architecture
est devenue événement.
Le projet pour Berlin, Berlin City Edge (1987) de Daniel Libeskind, architecte
du Musée Juif à Berlin et du nouveau World Trade Center
à New York, est l'un des plus importants projets expérimentaux
de cet architecte, tout à la fois artiste, musicien, mathématicien.
Berlin City Edge est une vaste exégèse de la ville. Multipliant
les références, ce projet se donne comme un palimpseste
urbain qui se déchiffre dans ses sédimentations complexes,
empruntant autant au Talmud qu'à l'histoire de l'architecture ou
à la littérature. Le " texte architectural ",
tel que le nomme Libeskind, englobe tous les textes, toutes les cultures
dans leur diversité et leur universalité. La collection
du FRAC Centre intègre aussi des projets importants de la déconstruction
californienne, principalement de maisons inviduelles (Michele Saee, Morphosis,
Eric Owen Moss).
----------Architectures
en mouvement
Dépassant la déconstruction, et développant une architecture
tout à la fois disruptive et interconnectée, puisant dans
le dynamisme et la tension des éléments, surgissent à
cette époque des projets remarqués de Dagmar Richter, Odile
Decq et Benoît Cornette, ou encore, Enric Miralles.
----------Slow
House
Cette exposition a commencé, en prélude, avec le Guide psychogéographique
(1956) de Guy E. Debord, qui morcelle l'unité de la carte pour
y substituer des " unités d'ambiance " urbaine, un déplacement
subjectif du piéton qui recompose lui-même l'espace urbain.
Ici c'est l'itinéraire qui forme la carte. Ce collage de fragments
d'un plan de Paris, vu à vol d'oiseau, expose des morceaux de carte
découpée reliés par des flèches indiquant
des déplacements. À l'ordre conventionnel imposé
par la carte, et à son acte implicite de possession du territoire,
se substituent des chemins erratiques, des atmosphères, des désordres
subjectifs.L'exposition aux Subsistances militaires se terminera par le
projet de la Slow House (1991) de Diller+Scofidio, qui est également
la première acquisition de la collection Architecture du FRAC Centre.
La Slow House ne s'inspire pas d'un objet, mais d'images plurielles, en
particulier celles du film tourné à la Villa Malaparte à
Capri par Jean-Luc Godard dans Le Mépris, dont elle a adopté
la décélération, depuis sa porte-façade jusqu'à
sa fenêtre-écran de projection, ouvrant sur l'océan.
Toute forme d'habiter est ici impossible, l'occupant est investi du statut
de " visiteur ", puisque la maison, de par son mouvement potentiel,
empêche que l'on s'y arrête ; en dépit de son flux
apparemment linéaire, son scénario est sans début
ni fin, ou plutôt, la fin peut se retourner en début, et
inversement. Tout n'est ici que mouvement et déambulation.Coop
Himmelblau déclara : " Si nous pensons exclusivement en termes
architecturaux, le résultat ne sera que de l'architecture ".
L'architecture n'est plus seulement du bâti, elle est aussi une
trajectoire conceptuelle, la confrontation de concepts issus de champs
disciplinaires hétérogènes qui la dispensent de toute
unification formelle, et l'ouvrent à son devenir.
^ ^ ^
2
- COLLEGIALE ST PIERRE-LE-PUELLIER----------Archilab, Anticipations
immédiates
Collection du FRAC Centre12 juin au 14 septembre 2003---------
Inauguration : le mercredi 11 juin 2003 à 19h,
Collégiale Saint-Pierre le Puellier, Place Saint-Pierre le
Puellier, Orléans
Hitoshi
Abe - Actar Arquitectura - Archi-tectonics - Atelier Séraji
- Avignon-Clouet - Shigeru
Ban - Frédéric Borel - Pierre du Besset-Dominique
Lyon - Shuhei Endo - CJ Lim - dECOi - dZO - Neil Denari - Emergent
Design - Didier Faustino - François & Associés
- Ian+
- Jakob+MacFarlane - Wes
Jones - KolMac Studio - Tom Kovac - Kengo Kuma - Tareg Naga
- Next Enterprise - Taeg Nishimoto - Marcos Novak - Nox
- Ocean UK - Objectile - Oosterhuis.nl - Pauhof - Dagmar Richter
- R&Sie - Servo - Smith-Miller+Hawkinson- UN
Studio - Watanabe - Yoh - Yamashita - Peter Zellner |
----------ArchiLab
s'appuie sur l'existence des collections du FRAC Centre, tournées
vers l'expérimentation en architecture, des années 50 à
aujourd'hui. En l'espace de 4 ans, plus de 150 architectes différents,
parmi les plus créatifs au niveau international, auront été
exposés.ArchiLab est consacré à l'architecture comme
questionnement de sa propre pratique. De quelle manière les architectes
proposent-ils aujourd'hui de nouvelles stratégies ? Comment réagissent-ils
aux nouvelles conditions économiques et culturelles, dans un contexte
dorénavant mondial ? ArchiLab défend une architecture d'intervention,
qui se tourne vers la définition de ses moyens, provoquant la demande
plutôt que répondant à la commande. Parce que la pratique
de l'architecte est devenue de plus en plus complexe, - développement
des nouvelles technologies, apparition de nouveaux programmes -, ArchiLab
souhaite donner une opportunité de discuter de la pratique architecturale
aujourd'hui, d'ouvrir un espace critique. À travers ses expositions
successives, ArchiLab est un moyen de dresser une sorte d'état
des lieux de la diversité des pratiques qui animent la recherche
architecturale.Technologies de l'information et de la communication, processus
mondiaux de standardisation, définissent le profil d'une économie
du monde, dans toute sa complexité, dans laquelle l'architecture
doit s'ouvrir aux changements et aux appropriations singulières.
Universalisme et contextualisme sont deux termes antinomiques qui soulèvent
le paradoxe du métier de l'architecte. Une fois de plus, la question
est : quelles sont aujourd'hui les pratiques contemporaines d'architectes
préoccupés par leur engagement dans une communauté
planétaire ?
Le
FRAC Centre a acquis, au cours des dix dernières années,
de nombreux projets de jeunes équipes internationales d'architectes
à travers les différentes éditions d'ArchiLab (4
éditions de 1999 à 2002). Une quarantaine d'équipes
sont ici présentées, qui rendent compte des recherches les
plus prospectives aujourd'hui.Ainsi, pour Objectile, dECOi, ou encore,
dZO, le recours aux nouvelles technologies ainsi que la prise en compte
critique de la notion de " décoratif ", interroge la
fondation même de la forme architecturale. Les technologies numériques
ont mené à l'interrogation des limites formelles et conceptuelles
de l'architecture, convergeant vers des processus hybrides de conception,
que ce soit chez Kolatan et MacDonald, ou François Roche. Pour
Roche, l'architecture ne peut résulter que d'un processus hybride
avec son territoire, du projet de la Maison dans les arbres à la
réalisation aujourd'hui d'un musée d'art à Bangkok,
collectant la poussière de la ville sur son enveloppe. L'architecture
naît d'un substrat complexe, de l'intégration de paramètres
sensibles ou factuels. Actar Arquitectura développe ainsi le concept
de " paysage opératif ", l'architecture se tissant littéralement
dans la géographie de son territoire. De même, Dominique
Jakob et Brendan MacFarlane affirment une position critique à l'égard
du contexte, comme en témoigne leur projet en cours de réalisation
de Maison en Corse, où la maison tend à la disparition en
réitérant, par modélisation numérique, la
topographie du site. Dans un registre expérimental, CJ Lim efface
les frontières entre l'architectonique et l'environnement à
travers une architecture cinétique et cinématique, ainsi
son projet de Guest House, qui se transforme au gré des variations
climatiques et des activités de ses habitantsLa collection du FRAC
Centre comprend aussi des projets d'architecture cognitive, explorant
les possibilités d'un territoire architectural interactif, ainsi
le célèbre Pavillon de l'Eau douce, de Nox et de l'Eau salée
d'Oosterhuis, construits aux Pays-Bas. Mutante, l'architecture est devenue
un corps, où fusionnent matière et information, sujet et
objet. Parmi les projets réalisés internationalement reconnus,
citons encore la Maison Möbius de UN Studio (Ben van Berkel &
Caroline Bos), qui se déroule en anneau de Möbius, transformant
la maison en entrelacs entre intérieur et extérieur, ou
encore la I-House, la maison-spirale, construite par Hitoshi Abe à
Sendaï.Cette exposition souligne l'importance de la recherche dans
la démarche de l'architecte, et met en avant les procédures
de conception dans les phases de création.
Tous ces architectes traversent des expériences extrêmement
diversifiées dans leurs aspects formels. La complexité de
leurs projets et réalisations résiste à toute appropriation
dogmatique, pour faire valoir la flexibilité de leurs interventions,
à travers une pragmatique en acte qui élargit le domaine
de compétence de l'architecture.
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3
- FRAC CENTRE----------Italie radicale : Superstudio
- Archizoom
- UFO - Gianni Pettena - Franco Raggi - Andrea Branzi
Collection du FRAC Centre
12 juin au 12 octobre 2003 (fermeture en août)----------
Inauguration : le mercredi 11 juin 2003 à 18h30,
FRAC Centre, 12 rue de la Tour Neuve, Orléans |
À
la fin des années 60, Florence est le berceau de l'architecture
radicale italienne. Ses protagonistes entreprennent alors une contestation
de l'identité même de l'architecture. C'est le critique d'art
Germano Celant qui désigne le premier par " architecture radicale
" les groupes Archizoom, Superstudio, UFO, qui revendiquent une démarche
iconoclaste, une pratique conceptuelle associant l'architecture aux autres
arts. La forme du projet consiste ici en un instrument de confrontation
avec la société, et le langage se donne comme un domaine
d'investigation du projet architectural qui vise à le démystifier.
L'architecture équivaut désormais à l'action, et
doit en conséquence accepter la complexité du réel.
Les " radicaux " italiens s'inscrivent également dans
l'histoire récente du pop art, dont ils gardent la dimension subversive
de l'image, tout en étant redevables au spatialisme et à
Lucio Fontana. Ces architectes partagèrent aussi avec l'arte povera
la pratique de l'installation, une revendication d'hétérogénéité
et l'appropriation du quotidien.Cette exposition présente, entre
autres, deux projets majeurs sur la ville, la grille et la disparition
de l'architecture : les Histogrammes d'architecture (1969) de Superstudio
et No-Stop City (1969) d'Archizoom. Provocatrices, ironiques, décapantes,
les propositions de Superstudio, Archizoom, UFO, Franco Raggi, Andrea
Branzi, Gianni Pettena s'en prennent à l'architecture comme "
art du construire ".
Superstudio
Fondé à Florence en 1966-1967, le groupe Superstudio était
composé d'Adolfo Natalini, Cristiano Toraldo di Francia, Roberto
Magris, Piero Frassinelli, Alessandro Magris et, entre 1970 et 1972, Alessandro
Poli. L'activité expérimentale de Superstudio est antérieure
à la formation du groupe, puisqu'elle remonte à la participation
d'Adolfo Natalini à la première exposition de Superarchitettura,
organisée en décembre 1966 avec Branzi, Morozzi, Corretti
et Deganello, les futurs fondateurs du groupe Archizoom.
Les
Histogrammes d'architecture de Superstudio sont un catalogue de diagrammes
tridimensionnels, à la surface homogène et isotrope. Superstudio
déclara à propos des Histogrammes se référer
à un design susceptible d'être transféré, de
changer seulement d'échelle, explorant différents champs
sémantiques, tout en restant lui-même. Intitulés également
Les Tombes des architectes, les Histogrammes renvoient à "
une grille sans fin dans laquelle chacun peut vivre (et mourir) sans se
consumer physiquement ou spirituellement " (Superstudio) " C'est
l'immutabilité qui nous intéresse, la recherche d'une image
inaltérable ". Les 30 entités des " histogrammes
" furent réalisées sous la forme d'éléments
assemblables en laminé plastique sérigraphié. Conceptuellement,
ils sont présents dans la macrodimension du Monument continu (1969-1971),
structure ininterrompue qui parcourt toute la planète. La radicalité
des Histogrammes de Superstudio, " véritables diagrammes élémentaires
d'une architecture conceptuelle " (Andrea Branzi) consomme la disparition
de la notion de qualité en architecture. Leur réticulation
envahit tout, - territoire, objets de mobilier, architecture, ville. L'architecture
n'est plus qu'un diagramme mental, une grille sans début ni fin.
Archizoom
Fondé à Florence en 1966 et dissous en 1974, le groupe Archizoom
était composé d'Andrea Branzi, de Gilberto Corretti, de
Paolo Deganello, de Massimo Morozzi et, à partir de 1968, de Dario
et Lucia Bartolini. Les innovations introduites par le groupe dans le
domaine du design, ainsi que son travail d'analyse et de réflexion
théorique, en particulier les textes et les Radical Notes publiés
par Branzi dans Casabella, ont contribué à définir
un grand nombre des thématiques de l'expérimentation radicale.
Certains de leurs projets trahissent une forte influence de l'iconographie
du pop anglais, mais interprétée, du point de vue idéologique,
sous un angle démystificateur.
Au
début de l'année 1967, Archizoom travaille à la conception
des Letti di sogno (Gilberto Corretti), l'opération la plus ouvertement
ironique que la néo-avant-garde italienne ait jamais tentée
en se servant de l'iconographie de la culture pop, utilisée idéologiquement
comme un langage provocateur, aux accents critiques. Ces modèles,
qui furent définis comme un " nouveau style Empire "
ou comme des objets " néo-kitsch ", interrogent l'image
et, à travers elle, la possibilité d'exprimer un jugement
sur la civilisation de l'image. Si la forme tend vers une simplification
symbolique et sacrée, la décoration est volontairement redondante,
kitsch, dans l'utilisation du laminé plastique, imitant le marbre,
ou dans la superposition de symboles et de signes pop empruntés
à l'avant-garde figurative britannique, ou encore d'objets exotiques
comme les peaux de léopard ou les animaux empaillés. Les
Letti di sogno sont des micro-architectures, des projets d'intérieurs,
qui se distinguent par leur force innovatrice et qui, en termes de design,
répondent aux besoins comportementaux d'une génération
ne supportant plus les contraintes héritées du passé.
No-Stop
City (1969) (Andrea Branzi) est une utopie critique, un modèle
de compréhension des phénomènes structurels de la
ville et de la société, un modèle d'urbanisation
globale qui est la représentation symbolique de l'état de
dégradation de la métropole moderne ; le design est ici
conçu comme l'outil conceptuel fondamental pour modifier la qualité
de la vie et du territoire, de sorte que l'espace urbain n'est plus vu
comme un ensemble de volumes architecturaux, mais comme un espace creux,
rempli d'objets d'ameublement, et que la ville présente la même
organisation qu'une usine ou un supermarché. " En ce sens,
No-Stop City est un projet mental, ce que Hilberseimer aurait appelé
une ville sans qualités ; ce n'en est pas moins une analyse radicale
du projet d'architecture et de design, à travers une application
jusqu'au-boutiste de ce projet rationnel dont nous annonçions la
fin ; celle de l'" architecture qui n'est plus de l'architecture
" comme disait Hannes Meyer, ou celles des " maisons mortes
" d'Adolf Loos. Considérant l'architecture comme une catégorie
intermédiaire d'organisation urbaine qu'il fallait dépasser,
No-Stop City opère une liaison directe entre la métropole
et les objets d'ameublement : la ville devient une succession de lits,
de tables, de chaises et d'armoires, le mobilier domestique et le mobilier
urbain coïncident totalement. Aux utopies qualitatives, nous répondons
par la seule utopie possible : celle de la Quantité. " (Andrea
Branzi)
Andrea
Branzi
Après des études d'architecture à Florence, il fut
parmi les fondateurs du groupe Archizoom un des principaux représentants
du mouvement " radical ". Dans le contexte d'Archizoom, entre
1966 et 1969, il développe le projet de No-Stop City (1969-72).
Ses essais et ses interventions critiques, en particulier les Radical
Notes, publiées dans Casabella à l'époque où
la revue était dirigée par Alessandro Mendini, apportèrent
une contribution essentielle au débat théorique au sein
du mouvement. De 1974 à 1976, il participa au premier " laboratoire
d'expérimentation de la créativité de masse ",
la contre-école d'architecture et de design, Global Tools. À
l'époque de sa collaboration avec Archizoom, Branzi commença
ses recherches dans le domaine du design en concevant les canapés
Superonda (1966) et Safari (1967), ainsi que les fauteuils Mies (1969-1970)
et Aeo (1973). Branzi poursuivit également une intense activité
de critique. Entre 1983 et 1987, il dirigea la revue Modo, qui se distingua,
durant ces années-là, par une attitude fortement critique
et expérimentale. Architecte, designer, théoricien, critique,
Andrea Branzi mène, depuis plus de trente ans, une recherche protéiforme,
au sein de laquelle il explore le langage commun à l'objet, à
l'architecture, l'urbanisme et l'environnement.
Autoritratto
(1968), réalisé à l'époque de sa collaboration
avec Archizoom, est un projet présenté à Interlaken
(Suisse) qui reprend un grand nombre des thématiques du groupe
florentin, qui, à cette époque, s'engageait, avec les Gazebi,
dans une remise en question radicale de la culture et de l'architecture.
Dans Autoportrait, le passage du langage pop à une " opération
de composition élémentaire ", caractéristique
des Gazebi, est moins visible, puisque le projet trouve aussi son équilibre
formel dans l'hétérogénéité des représentations
; mais ici aussi, l'ironie et les références à la
culture alternative se présentent comme des formes de rupture avec
les certitudes de la discipline.
Gianni
Pettena
Gianni Pettena fut, à la fin des années soixante, un des
représentants de " l'architecture radicale ", et fit
ensuite partie des fondateurs de la Global Tools, contre-école
d'architecture et de design (Milan, 1974-1976). Tout à la fois
artiste, architecte et designer, critique et historien de l'architecture,
organisateur d'expositions et enseignant, Gianni Pettena apparaît
comme un artiste, recourant au langage de l'architecture, et comme un
architecte s'appropriant les logiques artistiques, ne cessant de se déplacer
d'un champ à l'autre. Refusant les frontières entre les
disciplines, il se définit aussi comme un " anarchitecte "
(1973). L'" anarchitecte " est celui pour qui " parler
d'architecture est une métaphore pour parler d'une condition créatrice
qui était destinée à faire de l'architecture, mais
qui aboutit à faire de l'art. " En 1971, il obtint le premier
prix du réputé concours Trigon à Graz avec le projet
Grass Architecture (coll. FRAC Centre, expo. Subsistances) et Imprisonment
(expo. Frac Centre) qui démystifie et re-naturalise le motif moderniste
de la grille. Son travail expérimental des années 70 se
situe au croisement de l'art conceptuel et du Land Art. Dans la démarche
de Pettena, les idées sont toujours renvoyées à leur
expérimentation physique, confrontées à l'échelle
du corps et à celle du contexte, naturel ou urbain. Pettena croît
en la portée conceptuelle de l'architecture comme recherche conjointe
sur le langage et sur l'espace physique. Il ne cessa d'explorer la relation
entre nature et architecture, tout comme son ami, James Wines, du groupe
SITE. Sa maison, sa " cabine " sur l'Ile d'Elbe, work in progress
depuis 1978, se donne dans la nature comme une sorte d'" architecture
non-consciente ".
UFO
Fondé en 1967, au moment où le mouvement étudiant
de contestation secouait la Faculté d'architecture de Florence,
le groupe UFO figure parmi les fondateurs de la mouvance " radicale
" italienne. À l'origine, il réunissait Lapo Binazzi,
Riccardo Foresi, Titti Maschietto, Carlo Bachi et Patrizia Cammeo. Ce
n'est qu'en 1968 que Sandro Gioli, Massimo Giovannini et Mario Spinella
rejoignirent le groupe. Par des " événements de déstabilisation
des mythes et des rites socio-urbains architecturaux ", UFO entendait
opérer une spectacularisation de l'architecture dans l'espoir de
la transformer en événement, en action de " guérilla
" urbaine et environnementale. Ainsi naquirent les Urbo-éphémères
(1968), les Maisons Anas (1970) et le Tour d'Italie (1971), des uvres
où s'exprimait la prise de conscience de l'impossibilité
et de l'impraticabilité conceptuelle dans la réalité
de la société capitaliste. À cette condition d'aliénation,
UFO proposait de substituer le comportement créatif et la libération
de l'imagination, en étendant le champ de l'architecture au-delà
de ses tâches circonscrites et en élargissant les niveaux
d'intervention par le recours aux nouvelles techniques et aux répertoires
linguistiques les plus radicaux. En 1973, le groupe UFO figura parmi les
représentants du mouvement radical qui furent à l'origine
de Global Tools, école de techniques naturelles et de design alternatif.
Dans le débat animé des années 1970, ils participèrent
à un grand nombre d'expositions, de spectacles et de concours,
tout en collaborant, par leurs textes et leur travail de documentation,
aux principales revues d'art et d'architecture. À partir de 1972,
les activités du groupe, qui se poursuivirent sous diverses formes
jusqu'en 1978, furent dirigées par Lapo Binazzi.Le Manifeste du
discontinu est un texte-visuel sur les thèmes de la discontinuité,
" une anticipation des thèses sur la fin de l'histoire, du
lien entre architecture et archéologie du futur, entre architecture
et prophéties ". En mettant en relation des faits apparemment
éloignés et en abolissant toute référence
à des langages formels " reconnaissables ", la "
discontinuité " provoque l'insertion et la coexistence d'actions
différentes, ce qui permet d'élargir le signe artistique
au-delà des lieux communs de l'institution et de se réapproprier
individuellement et collectivement le processus créatif. Avec l'intention
précise d'accomplir un travail de dénonciation, d'information
et de provocation, le groupe UFO concentra son attention sur la question
de la linguistique, en procédant à une analyse systématique
de la communication visuelle. L'art se dissout dans la réalité,
la vie se transforme en art et le projet est fondé sur les aspects
perceptifs, dynamiques et sensoriels de l'expérience.
Franco
Raggi
Architecte, Raggi fit ses études à l'École polytechnique
de Milan. Il est ensuite appelé par Alessandro Mendini pour faire
partie de la rédaction de Casabella. C'est à cette époque,
entre 1971 et 1975, qu'il fréquenta, comme auteur et comme théoricien,
les avant-gardes de l'architecture radicale européenne et américaine,
tout en prenant une part active au travail expérimental de la revue
Casabella, qui, sous la direction de Mendini, posait de nouvelles problématiques
conceptuelles et s'interrogeait sur leur version en images. En 1973, Franco
Raggi fut chargé, avec Aldo Rossi et Massimo Scolari, de coordonner
la section internationale d'architecture de la XVe Triennale de Milan.
Cette intense activité de critique, illustrée en particulier
par ses articles " récapitulatifs " consacrés
au mouvement " radical " dans Casabella (" Radical Story
", 1973 ; " Vienna Orchestra ", 1974), témoigne
de l'attention et de la curiosité qu'il portait à tout élément
susceptible de caractériser le paysage complexe de la recherche
de l'époque. Au même moment, ses dessins manifestèrent
la volonté de transgresser toutes les conventions linguistiques.
En se servant du paradoxe et de l'ironie, ses compositions associent et
superposent des éléments conventionnels et des " corps
étrangers ", une caractéristique qui se retrouve aussi
dans l'installation Tente rouge (1974-75 ; expo Subsistances) et dans
la lampe La Classica (1975), application du même motif au domaine
du design. Rédacteur en chef de la revue Modo à partir de
1977, il en fut ensuite le directeur, de 1981 à 1983.
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- MUSEE DES BEAUX-ARTS D'ORLEANS----------Eilfried Huth Günther
Domenig
Collection
du FRAC Centre
13 juin au 21 septembre 2003----------
Inauguration : le jeudi 12 juin 2003 à 19h,
Musée des Beaux-Arts d'Orléans, Place Sainte-Croix
Orléans |
Cette
exposition monographique des architectes Günther Domenig (1934) et
Eilfried Huth (1930), travaillant à Graz en Autriche, présente,
pour la première fois, un ensemble unique de dessins, maquettes
et installations de projets historiques dans le contexte européen
de l'architecture radicale de la fin des années 60 (l'architecture
gonflable avec Trigon
; la mégastructure Ragnitz
; l'installation environnementale Medium
Total ; les explorations biomorphiques de Floraskin).
En 1968, l'architecte et critique, Günther Feuerstein, présente
à Vienne " Urban Fiction " qui réunit les démarches
les plus novatrices de cette époque. Huth et Domenig explorent
alors les potentialités de l'architecture pneumatique, tout comme
Coop Himmelblau et Haus-Rucker-Co en Autriche. Ils réalisent dans
ce contexte un premier bâtiment d'exposition gonflable pour la manifestation
Trigon à Graz en 1967. Dans les expérimentations spatiales
de Huth et Domenig, l'architecture prend la forme d'un organisme vivant
et biologique, en perpétuelle mutation (Floraskin) ou s'étend
en cellules " proliférantes " à travers les mégastructures
(Ragnitz).
En 1965, ils réalisent avec Ragnitz un projet majeur dans l'histoire
de l'architecture contemporaine, reconnu en tant que tel par le critique
anglais Reyner Banham dans son ouvrage sur les mégastructures,
publié en 1976. Ils remportent en effet, en 1969, le concours d'Urbanisme
et d'Architecture à Cannes avec ce projet de mégastructure
pour la ville de Ragnitz, devant un jury composé notamment de Louis
Kahn et de Robert Le Ricolais. Par sa complexité, son ampleur,
sa radicalité, Ragnitz s'affirme comme l'un des projets les plus
aboutis de mégastructure, après les
Villes spatiales de Yona Friedman dès 1958 et avant des réalisations
telles que le Centre Pompidou à Paris de Piano & Rogers, dans
les années 70. La ville mégastructure se définit
par sa capacité infinie d'extension, sa modularité, sa liberté
de planification à travers son ossature ouverte. L'espace urbain
devient un réseau d'agglomérations, de libre implantation
des cellules d'habitat. L'architecture équivaut à une infrastructure,
préfabriquée industriellement, dans laquelle viennent s'intégrer
les " clusters ", cellules spatiales en matière synthétique,
pour les circulations et les habitations. À l'ossature primaire
urbaine, se greffe la structure secondaire des enveloppes climatiques
de logement. Dans cet " habitat urbain industrialisé ",
l'architecture fournit un " approvisionnement sensoriel et biologique
".
Dans Medium Total (1969-70), qu'ils qualifient de " projet utopique
", l'architecture se transforme en organisme biologique mutant, corps
tout à la fois rétractile et ductile, selon les conditions
de son environnement. Medium Total est un paysage urbain innervé,
captant les énergies vitalistes de son environnement, " un
médium qui s'auto-entretiendrait, se régénèrerait
et s'adapterait " (Huth Domenig). Cette installation fut montrée
pour la première fois à la galerie Nächst St. Stefan
à Vienne en 1970, avant d'être " réactivée
" lors de cette exposition organisée par le FRAC Centre au
Musée des Beaux-Arts d'Orléans. Domenig et Huth exploitèrent
dans Medium Total l'idée d'une enveloppe biologique, qui se retrouvera
dans d'autres de leurs projets, et qui inspirera par la suite toute une
conception évolutive de l'architecture au sein de son environnement.Floraskin
(1971), avec Christo et Haus-Rucker-Co, est un projet pour un lieu de
villégiature au Maroc, à partir d'une structure métallique
hexagonale sur laquelle vient se greffer une enveloppe végétale
climatique. Cette gaine végétale artificielle et climatisée
avec des plantations irriguées devait transformer les bâtiments
en une structure organique et verdoyante. Peau végétale,
Floraskin est une membrane qui peut s'adapter à toutes les formes
de paysage. La démarche expérimentale de Huth et Domenig
acte ainsi une mutation décisive, caractéristique de l'architecture
radicale de cette époque : l'architecture devient un champ cognitif,
sensoriel ; elle quitte son statut figé d'objet pour se transfigurer
en environnement.
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- MEDIATHEQUE D'ORLEANS----------Dominique
Perrault : Bibliothèque Nationale de France (1989-95)
Collection
du FRAC Centre13 juin au 6 septembre 2003----------
Inauguration : le jeudi 12 juin 2003 à 18h,
Médiathèque d'Orléans, 1 place Gambetta, Orléans |
C'est
en remportant le concours international lancé par François
Mitterrand pour la Bibliothèque Nationale de France en 1989 que
Dominique Perrault (1953) s'impose comme l'une des figures montantes de
sa génération. Son travail, qu'il dit davantage inspiré
de Mies van der Rohe et de Louis I. Kahn que de Le Corbusier, se rapproche
d'une sensibilité minimaliste qui confine à la notion de
disparition en architecture. Opacité et transparence, monumentalité
et échelle humaine, son architecture se place toujours entre absence
et présence. L'utilisation de volumes primaires - le cube (Fondation
Pinault), les parallélépipèdes (BNF, Hôtel
Berlier), un vaste plan incliné de 300 m de long (ESIEE), un cercle
(Vélodrome de Berlin), ou un carré (Piscine de Berlin),
etc. - clarifiant la lecture et l'importance de la symétrie, vont
dans le sens d'une quête de l'unité formelle, en opposition
à l'idée de fracture en architecture. Des tissages de PVC
indéformables de l'ESIEE aux 30 000 m2 de tissages métalliques
de la Bibliothèque Nationale de France évoquant des cottes
de maille, qui diffractent la lumière, le voile métallique
se fait aussi bien habillage (BNF), enveloppe (Fondation Pinault), que
couverture (piscine et vélodrome de Berlin). Cette recherche, invention
d'une matière à la fois discursive et sensitive, est également
une " sophistication technique ", conférant à
l'édifice une certaine abstraction. Parallèlement aux implantations
inattendues comme celle d'un immeuble de bureaux (Hôtel industriel
Berlier, où il installe son agence) aux marges de la ville, entre
périphérique et voie ferrée, et aux cadrages urbains
comme ceux qu'offre la Bibliothèque Nationale de France, Perrault
puise également dans les ressources de la nature. Si le morceau
de forêt de la Bibliothèque Nationale de France est l'image
la plus connue, Perrault joue encore sur les notions de virginité/artificialité
de la nature, transplantant telle une opération chirurgicale, des
pommiers normands en plein cur de Berlin, intervention derrière
laquelle disparaît une fois de plus l'architecture, à savoir
une piscine et un vélodrome. Constituées de verre extérieur
collé, les parois de BNF suscitent l'illusion de dématérialisation.
La trame répétitive de la Bibliothèque, qui cinétise
les surfaces dans un jeu de diffraction de la lumière, renvoie
à la multiplication des éléments du savoir de ce
lieu d'apprentissage et de développement de la connaissance. Au
milieu des quatre tours, l'entrée est matérialisée
par les parois d'inox des escaliers extérieurs permettant de pénétrer
dans le lieu. L'esplanade surplombe un jardin - non accessible au public
-, transplantation d'un véritable morceau de forêt qui intègre
la nature en plein cur de la ville. Au désordre de ce jardin-forêt
répond la linéarité et la régularité
du bâtiment, volume cubique à l'évidement central
qui évoque l'univers des cloîtres. Dominique Perrault est
l'un des premiers architectes en France à s'être approprié
la géographie du territoire comme matériau premier de son
architecture. À la froideur du béton brut, de l'acier tressé
et du verre, Perrault oppose la chaleur et la préciosité
d'un bois omniprésent, souligné par une moquette de couleur
chaude courant le long des espaces de distribution. Si la référence
à Mies van der Rohe est évidente dans l'écriture
" minimaliste " et les qualités urbaines du projet, elle
ne l'est pas moins dans le soin apporté aux détails et à
la finition, tous les éléments de la Bibliothèque
ayant été étudiés et dessinés par l'architecte
lui-même. Cette exposition retrace la genèse du projet de
la Bibliothèque Nationale de France, l'un des plus radicaux construits
en France, à travers maquettes et dessins. Les innombrables recherches
graphiques et iconographiques, menées par l'architecte à
travers ses carnets de croquis, témoignent de toute la complexité
des champs de référence convoqués, esthétiques
et historiques, et retracent un long cheminement d'exploration spatiale
autour de la notion de vide et de présence/absence.
Dominique Perrault affirma : " Les artistes ont déclaré
un jour la mort de l'art, il est temps que les architectes fassent apparaître
la disparition, la dissolution et l'effacement de l'architecture au profit
d'un regard qui mêle et emmêle ville et nature, pour mettre
en uvre un paysage sans exclusion fait de tout et pour tous, un
chaos positif ".
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