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Superstudio - Archizoom - UFO - Gianni Pettena - Franco Raggi - Andrea Branzi |
C'est
en remportant le concours international lancé par François
Mitterrand pour la Bibliothèque Nationale de France en 1989 que
Dominique Perrault (1953) s'impose comme l'une des figures montantes de
sa génération. Son travail, qu'il dit davantage inspiré
de Mies van der Rohe et de Louis I. Kahn que de Le Corbusier, se rapproche
d'une sensibilité minimaliste qui confine à la notion de
disparition en architecture. Opacité et transparence, monumentalité
et échelle humaine, son architecture se place toujours entre absence
et présence. L'utilisation de volumes primaires - le cube (Fondation
Pinault), les parallélépipèdes (BNF, Hôtel
Berlier), un vaste plan incliné de 300 m de long (ESIEE), un cercle
(Vélodrome de Berlin), ou un carré (Piscine de Berlin),
etc. - clarifiant la lecture et l'importance de la symétrie, vont
dans le sens d'une quête de l'unité formelle, en opposition
à l'idée de fracture en architecture. Des tissages de PVC
indéformables de l'ESIEE aux 30 000 m2 de tissages métalliques
de la Bibliothèque Nationale de France évoquant des cottes
de maille, qui diffractent la lumière, le voile métallique
se fait aussi bien habillage (BNF), enveloppe (Fondation Pinault), que
couverture (piscine et vélodrome de Berlin). Cette recherche, invention
d'une matière à la fois discursive et sensitive, est également
une " sophistication technique ", conférant à
l'édifice une certaine abstraction. Parallèlement aux implantations
inattendues comme celle d'un immeuble de bureaux (Hôtel industriel
Berlier, où il installe son agence) aux marges de la ville, entre
périphérique et voie ferrée, et aux cadrages urbains
comme ceux qu'offre la Bibliothèque Nationale de France, Perrault
puise également dans les ressources de la nature. Si le morceau
de forêt de la Bibliothèque Nationale de France est l'image
la plus connue, Perrault joue encore sur les notions de virginité/artificialité
de la nature, transplantant telle une opération chirurgicale, des
pommiers normands en plein cur de Berlin, intervention derrière
laquelle disparaît une fois de plus l'architecture, à savoir
une piscine et un vélodrome. Constituées de verre extérieur
collé, les parois de BNF suscitent l'illusion de dématérialisation.
La trame répétitive de la Bibliothèque, qui cinétise
les surfaces dans un jeu de diffraction de la lumière, renvoie
à la multiplication des éléments du savoir de ce
lieu d'apprentissage et de développement de la connaissance. Au
milieu des quatre tours, l'entrée est matérialisée
par les parois d'inox des escaliers extérieurs permettant de pénétrer
dans le lieu. L'esplanade surplombe un jardin - non accessible au public
-, transplantation d'un véritable morceau de forêt qui intègre
la nature en plein cur de la ville. Au désordre de ce jardin-forêt
répond la linéarité et la régularité
du bâtiment, volume cubique à l'évidement central
qui évoque l'univers des cloîtres. Dominique Perrault est
l'un des premiers architectes en France à s'être approprié
la géographie du territoire comme matériau premier de son
architecture. À la froideur du béton brut, de l'acier tressé
et du verre, Perrault oppose la chaleur et la préciosité
d'un bois omniprésent, souligné par une moquette de couleur
chaude courant le long des espaces de distribution. Si la référence
à Mies van der Rohe est évidente dans l'écriture
" minimaliste " et les qualités urbaines du projet, elle
ne l'est pas moins dans le soin apporté aux détails et à
la finition, tous les éléments de la Bibliothèque
ayant été étudiés et dessinés par l'architecte
lui-même. Cette exposition retrace la genèse du projet de
la Bibliothèque Nationale de France, l'un des plus radicaux construits
en France, à travers maquettes et dessins. Les innombrables recherches
graphiques et iconographiques, menées par l'architecte à
travers ses carnets de croquis, témoignent de toute la complexité
des champs de référence convoqués, esthétiques
et historiques, et retracent un long cheminement d'exploration spatiale
autour de la notion de vide et de présence/absence.
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