La Ville à nu De Naked City aux Smart Mobs |
Au cours des quinze dernières années, la globalisation et les progrès considérables de la technologie ont transformé le monde plus radicalement que jamais auparavant. L’architecture a répondu à ces mutations de façon particulièrement optimiste. Les premières éditions d’ArchiLab ont donné la parole à une génération d’architectes qui ont grandi avec ces évolutions. Assimilant les avancées les plus récentes de l’informatique, ces architectes ont produit de nouvelles formes pleines d’audace et développé de nouveaux discours et de nouvelles méthodes qui doivent permettre de travailler dans un contexte planétaire. Leur travail s’inscrit parfaitement dans la tradition de l’architecture expérimentale des années 1960, qui est si bien représentée dans l’extraordinaire collection du FRAC-Centre. Cette architecture a recueilli un large succès à l’occasion d’expositions comme « Latent Utopias » à Graz et « Architectures non standard » au Centre Pompidou à Paris ; tous ces architectes construisent et remportent des prix importants. ArchiLab 2004 entend inaugurer une nouvelle étape dans cette évolution. Aujourd’hui, nous prenons conscience que la révolution technologique et socio-géographique des années 1990 a produit une série d’effets émergents et de nouvelles possibilités qu’il convient d’examiner. La globalisation ne produit pas seulement des formes nouvelles et prospères de concentration urbaine ; elle amène aussi de vastes zones à se rétrécir. Des régions du « Tiers Monde » sont incorporées dans les premières. La dissolution de l’État-nation est à l’origine d’une crise de l’État-Providence, lequel était étroitement associé à la construction de logements et à la planification urbaine. En architecture, l’individualisation suscite une demande d’une diversité plus grande. La nature et l’utilisation de l’espace public sont en train de changer. Au cours de ces dernières années, nombreux sont les architectes qui ont commencé à s’interroger sur ces phénomènes et à mettre au point de nouvelles stratégies et de nouvelles méthodes pour les prendre en compte. En architecture, un aspect important de cette nouvelle tendance réside dans l’intérêt porté à la réalité des nouvelles conditions urbaines, telles qu’elles prennent forme aujourd’hui, même sans l’intervention des architectes. L’étude et l’interprétation critique de la réalité sont souvent présentées comme des formulations culturelles en elles-mêmes. Mais on peut aussi considérer cette recherche comme un retour aux « autres » origines du modernisme, par lequel des architectes comme Le Corbusier, Hilberseimer et Van Eesteren ont tenté de parvenir à une compréhension plus fine de la ville existante de leur époque, de façon à pouvoir imaginer de nouvelles formes d’organisation, mieux adaptées. En même temps, au lieu d’utiliser simplement les logiciels tout faits, qui étaient souvent conçus pour des applications complètement différentes, comme les effets spéciaux de l’industrie du cinéma, par exemple, les architectes commencent à développer et à concevoir leurs propres logiciels. Très souvent, ces logiciels concernent davantage les aspects organisationnels de l’architecture et de l’urbanisme que les questions de forme et de fabrication. ArchiLab 2004 s’intéressera de nouveau à certaines tendances qui sont illustrées par la collection du FRAC Centre. Mais, davantage qu’auparavant, il s’agira d’insister sur la continuation d’une tradition qui fut inaugurée par des situationnistes comme Guy Debord et Constant Nieuwenhuys, par des artistes comme Gordon Matta-Clark et par ceux qui, comme Rem Koolhaas, se sont efforcés d’étudier et de penser la grande échelle. Le sous-titre d’ArchiLab 2004 – « De Naked City aux Smart Mobs » – fait allusion à la fois à l’ouvrage fondamental de Guy Debord et d’Asger Jorn, et à une réalisation contemporaine du situationnisme : les « Smart Mobs », comme les appelle Howard Rheingold, qui sont de nouvelles organisations informelles, produites par le développement des nouveaux réseaux de télécommunication. ArchiLab 2004 ramènera la réalité de la ville à sa forme la plus simple, voire la plus rudimentaire. Nous montrerons comment Orléans – avec ses divers problèmes et ses diverses possibilités de développement, qui sont, à bien des égards, emblématiques de la ville européenne d’aujourd’hui – participe de cette réalité. Nous illustrerons cette idée sous la forme de parcours dans Orléans et de projets pour la ville. Mais ArchiLab 2004 présentera aussi des installations, qui permettront non seulement de voir, mais aussi d’expérimenter en tête à tête la force et la poésie de l’architecture et de l’urbanisme contemporains les plus innovateurs. Bart Lootsma |