Boris Sieverts (1969) Allemagne
 

 

 

Depuis plusieurs années, Boris Sieverts propose des “ voyages urbains ”, à pied ou à vélo, d’une ou de deux journées, aux marges de la vision habituelle de la ville, afin de révéler ce que l’on n’y voit plus : ici plantes, venelles, zones industrielles, chantiers, donnent naissance à une nouvelle perception de la ville, poétique, fragmentée, et pourtant bien réelle.

 

Au travers des récits que Boris Sieverts livre de la périphérie urbaine et notamment de la périphérie de Cologne, située sur la rive droite du Rhin, Boris Sieverts consigne avec minutie les situations et les rencontres. Il analyse les sensations que celles-ci font naître et tente de formuler le projet qui sous-tend ses excursions dans ce type de territoire si complexe : le projet d‘une "densification poétique" (verdichten) de ces lieux en transformant leur perception habituelle. Boris Sieverts s’attache et se concentre sur ces "terrains vagues", espaces intrinsèquement forts, comme l’ensemble du paysage de la périphérie, dans l’expression de l’absence de forme préconçue et d’appropriation. Un nouveau regard naît d’un cheminement sélectif à travers les "terrains vagues".


Tankstelle

L’agence allemande Büro für Städtereisen organise depuis plusieurs années des promenades, des dérives urbaines à Cologne essentiellement, mais aussi en banlieue parisienne, à Nantes, dans le bassin de la Ruhr et, dans le cadre d’ArchiLab, à Orléans. Boris Sieverts y opère comme guide de randonnées pédestres ou à vélo dans les marges de la ville, les friches, les zones industrielles, les aéroports, les parkings, les gravières, les décharges, les chantiers de démolition, les sorties d’autoroutes, etc; dans tous les lieux situés entre le centre-ville cultivé et la campagne cultivée elle aussi. Le choix très sélectif de ces périples -que l’artiste met des mois à baliser, obéit à deux critères : le premier concerne la qualité des traces inhabituelles laissées par tout être vivant et fréquentant ces zones libres de tout contrôle, que Sieverts nomme “ biotopes humains ”. Le second a trait à la qualité plastique de ces espaces en apparence sans forme, à leur capacité à révéler l’inexploré, depuis le sublime jusqu’à l’élément le plus insignifiant. Cette nouvelle perception se nourrit des séjours effectués dans ces lieux, de l’étude de leur histoire, de l’analyse des cartes et de prises de notes. Tentant de rendre compte de la complexité des situations nées dans ces périphéries contrastées, d’en livrer la densité poétique, Boris Sieverts développe un travail photographique qui vise à fixer bien plus que des anecdotes mais une conception mentale du lieu, conception qui n’a de cesse de transformer la perception habituelle que nous avons du monde. La suite syncopée des prises de vue -on passe du public au sauvage puis au cultivé- renforce la singularité de chacun des paysages ou des bâtiments en leur conférant un caractère " d’épiphanie " tout en favorisant des rapports inédits. La série des photographies de bâtiments “ découpés ", des constructions archétypales sans qualité arrachées à un environnement insignifiant, exacerbe la présence des façades, leur façon d’ “ être là ”, en tant que cliché et en tant que réalité.