Estudio Teddy Cruz
(1962)
USA
 

 

 

Ce projet entend transgresser à travers une proposition d’habitats hybrides, nomades, la zone frontière entre le Mexique et les États-Unis, matérialisée par un mur, objet tout à la fois physique et symbolique, qui sépare, d’un côté, une zone urbaine anarchique et surpeuplée et, de l’autre, une zone étroitement surveillée.

Architecte, écrivain, théoricien, Teddy Cruz est reconnu pour son architecture, où se côtoient responsabilité sociale, engagement civique et motivation artistique. Sa pratique s’inscrit par sa localisation géographique dans la zone frontière entre San Diego aux États-Unis et Tijuana au Mexique, où deux cultures, deux sociétés, deux économies différentes se rapprochent et occupent un même espace. En zoomant sur les particularités de ce territoire bi-culturel, Teddy Cruz s’attache à re-contextualiser des processus globaux qui cherchent à produire des paysages plus hybrides et plus flexibles.

The border/Tijuana

Ce projet se situe à la frontière qui sépare, en Californie, les États-Unis du Mexique, frange où deux cultures, deux réalités géographiques, deux économies radicalement opposées se télescopent dans un même territoire. Matérialisée par un mur d’acier haut de trois mètres, cette frontière -la plus fréquentée au monde- est aussi un lieu ambivalent de conflits et d’échanges permanents. En effet, du côté mexicain, une zone surpeuplée obéit à une urbanisation chaotique et spontanée où les bâtiments prennent l’allure d’échafaudages provisoires régulièrement modifiés par le recouvrement de programmes temporaires; là, le tissu urbain se brise littéralement sur la frontière d’acier. Tout au contraire, du côté américain, un vaste no man’s land sévèrement surveillé, s’interpose entre le mur et le comté de San Diego où s’affichent ordre et homogénéité. Ainsi, vu du nord, le mur arrête l’immigrant dont on ne veut pas, alors que vu du sud à Tijuana, le mur forme un obstacle à transgresser. C’est de cette situation hybride complexe que le projet de Teddy Cruz tire toute sa substance. Prenant totalement en compte les habitudes socio-culturelles et la manière d’habiter des émigrants (habitats non conformes, densité élevée, appropriation des espaces vides, nomadisme…), The Border/Tijuana brouille toute notion de frontière en développant de chaque côté du mur de nouvelles formes d’habitats sociaux hybrides et flexibles, des systèmes auto-organisateurs nomades que chacun peut investir à sa guise. À San Ysidro, première ville américaine après la frontière, Living Rooms at the Border transgresse le système de zoning en vigueur, favorise l’augmentation de la densité, non pas par la masse mais par la " chorégraphie sociale " qu’engendre la modularité des logements. À Tijuana, Manufactured Site repense les ambivalences planifié/non-planifié, légal/illégal, artisanal/industriel par des stratégies de développement fondées essentiellement sur les échanges frontaliers tels que le recyclage de petites maisons d’acier dont se débarrasse San Diego ou le ré-emploi de palettes et pneus usagés. Initié par une série de collages -des paysages fictifs réalisés à partir de photographies d’espaces vacants prises à Los Angeles, San Diego et Tijuana- The border/Tijuana n’a de cesse de construire de nouveaux récits qui se nourrissent de la proximité et de la vitalité de la région.