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Ce projet entend transgresser à travers
une proposition d’habitats hybrides, nomades, la zone frontière
entre le Mexique et les États-Unis, matérialisée
par un mur, objet tout à la fois physique et symbolique, qui sépare,
d’un côté, une zone urbaine anarchique et surpeuplée
et, de l’autre, une zone étroitement surveillée.
Architecte, écrivain, théoricien, Teddy Cruz est reconnu
pour son architecture, où se côtoient responsabilité
sociale, engagement civique et motivation artistique. Sa pratique s’inscrit
par sa localisation géographique dans la zone frontière
entre San Diego aux États-Unis et Tijuana au Mexique, où
deux cultures, deux sociétés, deux économies différentes
se rapprochent et occupent un même espace. En zoomant sur les particularités
de ce territoire bi-culturel, Teddy Cruz s’attache à re-contextualiser
des processus globaux qui cherchent à produire des paysages plus
hybrides et plus flexibles.
The border/Tijuana
Ce projet se situe à la frontière qui sépare, en
Californie, les États-Unis du Mexique, frange où deux cultures,
deux réalités géographiques, deux économies
radicalement opposées se télescopent dans un même
territoire. Matérialisée par un mur d’acier haut de
trois mètres, cette frontière -la plus fréquentée
au monde- est aussi un lieu ambivalent de conflits et d’échanges
permanents. En effet, du côté mexicain, une zone surpeuplée
obéit à une urbanisation chaotique et spontanée où
les bâtiments prennent l’allure d’échafaudages
provisoires régulièrement modifiés par le recouvrement
de programmes temporaires; là, le tissu urbain se brise littéralement
sur la frontière d’acier. Tout au contraire, du côté
américain, un vaste no man’s land sévèrement
surveillé, s’interpose entre le mur et le comté de
San Diego où s’affichent ordre et homogénéité.
Ainsi, vu du nord, le mur arrête l’immigrant dont on ne veut
pas, alors que vu du sud à Tijuana, le mur forme un obstacle à
transgresser. C’est de cette situation hybride complexe que le projet
de Teddy Cruz tire toute sa substance. Prenant totalement en compte les
habitudes socio-culturelles et la manière d’habiter des émigrants
(habitats non conformes, densité élevée, appropriation
des espaces vides, nomadisme…), The Border/Tijuana brouille toute
notion de frontière en développant de chaque côté
du mur de nouvelles formes d’habitats sociaux hybrides et flexibles,
des systèmes auto-organisateurs nomades que chacun peut investir
à sa guise. À San Ysidro, première ville américaine
après la frontière, Living Rooms at the Border transgresse
le système de zoning en vigueur, favorise l’augmentation
de la densité, non pas par la masse mais par la " chorégraphie
sociale " qu’engendre la modularité des logements. À
Tijuana, Manufactured Site repense les ambivalences planifié/non-planifié,
légal/illégal, artisanal/industriel par des stratégies
de développement fondées essentiellement sur les échanges
frontaliers tels que le recyclage de petites maisons d’acier dont
se débarrasse San Diego ou le ré-emploi de palettes et pneus
usagés. Initié par une série de collages -des paysages
fictifs réalisés à partir de photographies d’espaces
vacants prises à Los Angeles, San Diego et Tijuana- The border/Tijuana
n’a de cesse de construire de nouveaux récits qui se nourrissent
de la proximité et de la vitalité de la région. |