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Les photographies de Bas Princen sont des saisies
anthropologiques de nouveaux modes comportementaux. Ainsi, à travers
l’internet, des personnes se donnent rendez-vous pour se livrer
à des activités parfois absurdes. Pour Bas Princen, les
lieux sont aujourd’hui bien plus façonnés par ces
activités issues des équipements et des nouveaux systèmes
de communication que des processus d’urbanisation.
Architecte et photographe néerlandais, les travaux de Bas Princen
montrent des morceaux de paysage, non comme une illustration de la réalité
mais comme des images d’une réalité potentielle. Il
photographie souvent des lieux que l’on ignore, trop délaissés
pour que l’on puisse parler de nature, des lieux dont on a oublié
depuis longtemps la fonction initiale même s’ils en ont gardé
des traces. Ce qui l’intéresse et qu’il photographie
c’est l’appropriation de ces lieux et les traces d’activités
qui les révèlent dans leur vraie nature, leur donne une
nouvelle réalité. Ce sont les mutations du paysage qui,
à travers de nouveaux usages, souvent éphémères,
prennent une signification différente. Bas Princen participe au
projet de recherche Shrinking Cities International Research organisé
par Philipp Oswalt en tant que photographe au sein de l’équipe
d’investigation sur le site d’Ivanovo en Russie. Bas Princen
est l’auteur d’Artificial Arcadia paru en 2004. Le travail
de Bas Princen sera exposé à la Biennale de Venise en 2004.
Artificial Arcadia
La quarantaine de photographies qui constitue la série Artificial
Arcadia scrute avec grande minutie les mutations du paysage hollandais
d’aujourd’hui. Bas Princen parcourt le pays en observant des
petits groupes de gens dont le voisinage ou les intérêts
communs très spécifiques leur ont permis de se rencontrer
-par le biais d’Internet, l’envoi de SMS par exemple- et de
se retrouver ensemble en des lieux temporairement abandonnés, souvent
en périphérie de la ville, des vieilles carrières,
des secteurs de l’armée délaissés, des décharges
de sable ou des emplacements de remblais (particulièrement dans
le nord du Brabant ou dans les plaines de sable de Maasvlakte près
de Rotterdam). Ainsi, pêcheurs, ornithologues, rockers, surfers,
trialistes, joueurs de golf, de paintball, amateurs de cerfs-volants,
etc, se livrent-ils à leurs activités de loisirs, pour un
moment, dans des espaces publics dont ils ont détourné l’usage
habituel, parfois de manière illégale. Selon Bas Princen,
nos modes de vie et de rencontre aujourd’hui sont bien davantage
déterminés par les équipements et les systèmes
de communication qui entourent l’individu que par les lieux mêmes.
En effet, c’est le produit qui crée le paysage, qui rend
attentif aux spécificités des lieux : un conducteur de 4x4
ne regarde la forêt qu’en fonction des possibilités
qu’il a de passer, avec son engin, entre les arbres; le surfer n’attend
que les conditions optimales de houle venant du nord-ouest, entre marée
haute et marée basse, pour s’adonner à son hobby;
l’ornithologue accourt sur la côte de la péninsule
pour cocher un Silvia Undata échoué après un orage.
Le paysage perdrait-il alors toute nécessité de planification
? Bas Princen aiguise notre perception à travers des situations
souvent étonnantes, voire étranges, découvrant d’une
part, la manière dont les groupes s’approprient, transgressent
et recyclent ces territoires en fonction de leurs besoins, et, d’autre
part, les mutations du paysage résultant des traces laissées
par leur activité. Mais c’est aussi la notion d’espace
public qui est interrogée ici : les lieux utilisés pour
des activités de loisirs " sauvages " engendrent, de
fait, un processus de programmation, si provisoire soit-il.
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